Publié le Dimanche 29 mai 2022 à 19h00.

Pour son acte II, Macron veut des député·e·s toujours plus à sa botte

On se souvient de la façon dont, en 2017, Macron et son entourage avaient organisé le « recrutement » des députéEs LREM. L’épisode des investitures pour les élections législatives avait ainsi été l’un des premiers révélateurs de la « méthode Macron ». En 2022, rien – ou presque – n’a changé.

En 2017, les futurs députéEs avaient été recrutés sur CV, après un appel à candidatures, par une « commission » composée de proches de Macron, soit une méthode à peu près similaire à celles employées dans les grandes entreprises privées. Un mimétisme guère surprenant lorsque l’on connaît le pédigrée de Macron et de son entourage, mais dont la portée politique était loin d’être anodine.

Ce n’était certes pas la première fois que des partis politiques importaient des techniques du privé. Toutefois, cette présélection des députéEs ne pouvait être réduite à un simple phénomène d’importation de ces méthodes. En effet, du fait de ce processus de « recrutement », la légitimité des députéEs macronistes ne leur est pas venue de leur éventuelle base locale ou d’un parti qui les aurait investis, mais de leur « sélection », d’en haut, par l’entourage de Macron. Des « sélectionneurs » qui étaient majoritairement des technocrates sans implantation politique, et qui ont ensuite été appelés à être conseillers de l’Élysée, membres des cabinets des ministres, voire ministres. En d’autres termes, c’est le futur exécutif qui a sélectionné à l’avance le futur législatif.

« Une majorité "stable" et "loyale" »…

En 2022, les choses ont peu changé. Malgré les nombreuses erreurs de casting en 2017, Macron a en effet réussi à conserver, durant cinq ans – certes au prix d’une alliance avec le Modem, une majorité à l’Assemblée lui permettant de faire passer tous ses projets, avec des députéEs dociles et dépendants de lui pour leur éventuelle réélection. Il n’est dès lors guère surprenant que les investitures de la majorité présidentielle en 2022 concernent en très grande majorité des sortants, avec toujours la volonté d’un contrôle, sans contestation possible, de l’exécutif sur sa majorité parlementaire.

Comme le résume Ilyes Ramdani pour Mediapart : « La majeure partie des parlementaires sortantEs sera bien sur la ligne de départ le 12 juin prochain. Même celles et ceux qui ont brillé par leur discrétion en circonscription ou à l’Assemblée nationale. Un choix qui s’explique par la volonté du président d’avoir une majorité "stable" et "loyale", comme l’a martelé le président de l’Assemblée nationale en lançant la campagne. Autrement dit, d’éviter que les barons locaux n’acquièrent un pouvoir de nuisance en propulsant leurs proches au Palais-Bourbon. »1 Les promesses d’« ouverture » ont fait long feu, et la plupart des « nouveaux » et « nouvelles » candidatEs sont en réalité eux-mêmes et elles-mêmes issus de l’appareil macroniste : des technocrates loyaux, sans base, parachutés dans des circonscriptions facilement gagnables. Selon des sources citées dans divers articles de presse, Emmanuel Macron a personnellement validé l’ensemble des investitures. Y compris, au passage, les plus « problématiques », comme celle du député Jérôme Peyrat, condamné pour violences conjugales, réinvesti avant d’être, face au scandale montant, débranché.

… pour un programme de régression sociale

Ces phénomène ne traduisent pas seulement une obsession du contrôle chez Macron. Il s’agit pour lui et son équipe d’éviter toute forme de contestation « interne » en exerçant une domination sans partage sur les éluEs de la majorité présidentielle à l’Assemblée. À la tête d’un exécutif mal élu et disposant d’une base sociale réduite, le manager Macron et ses chefs d’équipe, pour la plupart issuEs de la « nouvelle économie » et des grandes écoles de commerce, entendent continuer d’exercer le pouvoir comme s’ils administraient une start-up ou un cabinet d’avocats de Wall Street : une vitrine décontractée et moderne, mais une gestion brutale et autoritaire des « ressources humaines ». Une gestion autoritaire qui est le corollaire des projets particulièrement brutaux du président Macron, qui sait qu’ils seront rejetés par la majorité de la population. À commencer par sa contre-réforme des retraites. Macron l’a en effet annoncé durant sa campagne : il a pour projet de faire reculer l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Dans son programme présidentiel, cette proposition est précédée d’une formule lapidaire mais sans ambiguïté : « Il faut être clair. Si l’on veut financer les dépenses publiques essentielles et baisser les impôts, on doit continuer à travailler collectivement davantage. » Voilà qui est « clair ».

Les propositions concernant les retraites sont explicites : ­augmentation de l’âge de départ, fin des régimes spéciaux, retour du projet de retraites par points. Dans le programme présidentiel, cela donnait : « Le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans ; la suppression des principaux régimes spéciaux (EDF, RATP...) pour les nouveaux entrants, comme nous l’avons fait pour la SNCF ; une poursuite des concertations sur un régime universel plus simple, seulement pour les générations futures, en construisant les compromis nécessaires. » Avec en prime : « Proposer un cumul emploi-retraite plus simple et plus avantageux, pour ceux qui souhaitent travailler plus longtemps et effectuer une transition souple vers la retraite. » Autant le dire : ce qui nous attend n’est rien d’autre qu’une vaste offensive contre le système de retraites, elle-même inscrite dans un projet de régression sociale assumée (conditionnement du RSA, poursuite de la destruction du système d’assurance chômage, etc.).

  • 1. Ilyes Ramdani, « Sortants, conseillers et parachutés : la "réinvention" macroniste ne passera pas par l’Assemblée », Mediapart, 10 mai 2022.