Nous ne sommes pas des fétichistes de l’État. L’État capitaliste entretient une masse d’activités inutiles ou nuisibles avec des hauts fonctionnaires surpayés et il gonfle les forces militaires et policières. C’est ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelait la « main droite de l’État » à laquelle il opposait « la main gauche », les agentEs des divers services publics. Ceux-ci ne fonctionnent pas forcément pas comme nous les souhaiterions mais ils sont indispensables. Avec les divers gouvernements de droite et de « gauche » qui se sont succédé, la main droite de l’État a prospéré et est devenue de plus en plus arrogante et en symbiose de plus en plus directe avec le capital privé : Macron en est une illustration avec ses allers-retours entre la haute administration, les cabinets ministériels et la banque.
Par contre, les services publics, la main gauche, n’ont cessé d’être soumis à l’austérité et de reculer. De plus en plus d’habitantEs des banlieues et des zones rurales doivent attendre des semaines ou faire des kilomètres pour accéder à un service de santé, les bureaux de poste ferment et si on ne navigue pas facilement sur internet, on risque d’être privéEs de certains services ou droits. Il faut remettre des agentEs dans les services publics !
120 000 postes à l’hôpital
Le système hospitalier est au bord de l’effondrement, les personnelEs en ont assez de leurs conditions de travail et du mépris gouvernemental. Il faut un plan d’embauches massives se montant à 100 000 postes d’infirmières et d’aides-soignantes et 2 000 médecinEs hospitaliers. Ceci sans parler d’autres professions techniques, logistiques, administratives, sans lesquelles l’hôpital ne tourne pas et qui sont de plus en plus externalisées (ménage, entretien...) ce qui contribue à la dégradation de la qualité des soins.
S’il faut recruter par les différentes filières possibles, il faut doubler l’effort de recrutement par un plan massif de formation car les personnelEs de santé ne naissent pas par génération spontanée : il faut un un an pour former les aides-soignantes, trois ans pour les infirmières et neuf ans pour les médecins. Il faut se donner les moyens d’amener les médecins formés vers l’hôpital et, s’ils et elles vont en ville, qu’ils et elles aillent là où il y aurait besoin d’elles et eux (dans les « déserts médicaux »). Pour cela, il faut créer une formation rémunérée des étudiantEs en médecine moyennant un engagement à servir dans le public, ce qui permettrait aussi de démocratiser le recrutement. Un tel dispositif est aussi nécessaire pour les infirmières.
80 000 postes au minimum dans les EPHAD
Nous allons vivre de plus en plus vieux mais pas forcément en bonne santé : par exemple, à 65 ans, une femme française peut espérer vivre encore près de 23,7 ans mais 10,6 en bonne santé. Il faut assurer à toutes et tous une vieillesse digne. Les personnels des Ephad, publics et privés, ne sont pas assez nombreux et soumis à des exigences de rythme de travail qui pèsent sur la qualité de vie des pensionnaires. En 2019, le rapport Libault (du nom d’un haut fonctionnaire) a chiffré à 80 000 le nombre de postes supplémentaires nécessaires dans les Ephad. Ce serait une première étape : le chiffre de 200 000 a été avancé lors des mobilisations des personnelEs de 2018 tant par les syndicats que par les directeurs.
100 000 emplois pour l’école publique
D’après les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, pour revenir au niveau de 2008 seulement, il faudrait embaucher tout de suite :
– 6 750 équivalents temps plein dans le premier degré (écoles maternelles et élémentaires) ;
– 6 828 enseignantEs du second degré (collèges et lycées) ;
– 2 237 enseignantEs dans les universités (maîtres de conférence, professeurEs…) ;
– 6 823 personnels de santé-social et administratifs (assistantes sociales, infirmierEs, secrétaires…).
Soit une embauche immédiate de 22 638 emplois, sans compter les documentalistes, les CPE, les médecins et infirmières scolaires… Et cela uniquement pour revenir au niveau d’il y a 12 ans !
Si l’on veut diminuer le nombre d’élèves par classe (pour le passer à 24 élèves partout), créer des encadrements à taille humaine (pas d’écoles à plus de 300 élèves, pas d’établissement à plus de 500 élèves, ouverture de campus universitaires de proximité…), il faut créer des postes, un nombre de l’ordre de 70 000 emplois.
Pour accompagner les 220 000 élèves en situations de handicap il y a actuellement 176 000 AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap). Les associations spécialisées considèrent qu’il y a 30 % de ces élèves qui n’ont pas d’AESH. Il y a aussi un manque récurrent d’assistants d’éducation (les surveillants). Il faudrait donc recruter 30 000 AESH et AED, avec une augmentation de salaire et un statut réel pour ces personnelEs.
Dans les communes
Au niveau des communes, également, se posent de vrais problèmes. D’abord en matière d’accueil et aide aux habitantEs pour faire des démarches administratives, pour permettre un accès rapide aux droits sociaux : dans son rapport de 2019 sur la dématérialisation de l’accès aux services publics, le Défenseur des droits insistait sur le fait qu’aucune démarche administrative ne devait être accessible uniquement par internet. Pour cela, il faut des emplois, en particulier dans les communes. Il faudrait également des personnelEs de service supplémentaires dans les écoles : c’est encore plus important avec la pandémie et ses vagues répétées.
D’autres créations d’emplois seraient également nécessaires dans divers secteurs, par exemple pour la rénovation des logements et leur isolation thermique.
Il y a donc matière et nécessité de créer des centaines de milliers d’emplois socialement utiles plutôt que d’augmenter les effectifs policiers, mais pour cela, il faut rompre avec la logique capitaliste. Dans tous les domaines, nos vies, celles des ainéEs et des enfants valent plus que leurs profits !