Mi-2022, le taux de chômage officiel était réduit à 7,4 % de la population active, l’un de ses niveaux les plus bas depuis le début des années 1980. Non pas que les chômeurEs auraient enfin « traversé la rue », mais parce qu’avec la reprise économique qui a suivi la fin des confinements, le patronat a embauché. Preuve que le problème n’était pas la « paresse » supposée des chômeurEs, mais bien le manque d’emplois. Mi-2022, il y avait 832 000 emplois salariés de plus qu’avant la crise sanitaire.
Ces chiffres doivent cependant être pris avec précaution. Pas seulement parce que la courbe du chômage risque de se réinverser aussitôt (les signes d’une récession mondiale pointent déjà leur nez, la croissance est réduite depuis début 2022 et le chômage a déjà un peu remonté au 2e trimestre). Mais aussi parce que les emplois créés sont en fait quasiment tous en alternance. Le patronat profite à plein des aides supplémentaires accordées par Macron qui rendent ces emplois quasi gratuits. À l’inverse, la part des 15-64 ans en CDI s’est réduite.
Par ailleurs, tous les secteurs n’embauchent pas. L’industrie manufacturière, et l’automobile en particulier, a plus licencié qu’embauché depuis 2019.
Il reste toujours 2,3 millions de chômeurEs officiels, auxquels il faut ajouter 1,9 million de personnes dans le « halo autour du chômage », c’est-à-dire de chômeurEs qui ne répondent pas aux critères fixés par le Bureau international du travail et sont donc comptés à part par l’Insee. La pénurie de main-d’œuvre dont se plaint le patronat est donc loin d’être une réalité.
Comment expliquer alors que 7 métiers sur 10 sont en tension, selon le ministère du Travail ? Certains secteurs, comme la santé ou les transports en commun, ont du mal à attirer parce que les salaires y sont particulièrement réduits et les conditions de travail pénibles (souvent du fait du sous-effectif). Mais on est loin d’un mouvement de « grande démission ». Les démissions ont certes augmenté, à plus de 500 000 par trimestre. Mais ce niveau n’est pas inédit : on le retrouve dès que le chômage baisse. Ceux qui démissionnent le font pour trouver un meilleur emploi en profitant de la vague d’embauches, ils ne sortent pas du marché du travail. Les difficultés du patronat à embaucher viennent donc surtout de sa volonté de disposer de travailleurEs prêts à l’emploi et pour pas cher. Il aurait nettement moins de difficultés en proposant de meilleurs salaires et en formant de nouveaux travailleurEs.
La pression accrue sur les chômeurEs ne risque donc pas de réduire le chômage, mais seulement d’appauvrir cette fraction du monde du travail.