Après avoir éparpillé, suite à son accession au pouvoir, les formations politiques traditionnelles façon puzzle, il était logique que, via sa « réforme » emblématique du code du travail, Macron fasse de même avec les organisations syndicales, fort de son dessein de transformation du pays et de domination sans partage.
Les confédérations, en participant toutes à la concertation initiée dès juin dernier, ont contribué à désarmer leur base qui s’est retrouvée fort dépourvue une fois la bise des ordonnances venue. Les militantEs, quelle que soit leur orientation, ont bien perçu le danger mortel : faire en sorte que ce que les patrons ne respectaient pas, au risque d’être sanctionnés, ait désormais force de loi.
C’est du côté des syndicats dits réformistes que le trouble est le plus perceptible, à commencer par la CFDT, pourtant forte de sa première place dans le secteur privé depuis mars dernier : la fête organisée avec 10 000 adhérentEs en octobre a été gâchée, et a donné lieu à une libération inédite de la parole dans une centrale au corpus idéologique plus que normalisé depuis 2003. À défaut de mobiliser ses troupes, Laurent Berger est bien obligé de résumer les ordonnances à « un classicisme froid, techno et triste » et d’annoncer d’ores et déjà sa candidature en vue du congrès de l’organisation prévu en juin 2018.
La fronde a été encore plus spectaculaire à FO, où Jean-Claude Mailly, après avoir vanté les pseudo-négociations et, en particulier, le renforcement des prérogatives des branches là où leur rôle est purement et simplement annihilé, s’est vu mettre en minorité par le parlement de sa centrale, et contraint d’appeler à la mobilisation du 16 novembre.
Et du côté de celles et ceux qui luttent ?
À la CGT, c’est le délitement qui prévaut : les secteurs où la centrale de Montreuil pèse, les routiers puis les dockers, suivis de la construction et de la pétrochimie, négocient les uns après les autres la sanctuarisation de leur régime conventionnel, ce qui illustre la défiance vis-à-vis de la stratégie de journées saute-mouton mise en œuvre par Philippe Martinez. À Solidaires, le débat se cristallise lui sur l’implication ou non dans le Front social, dont l’appel à participer à la marche nationale sur l’Élysée du 18 novembre a finalement été rejoint.
Et si la solution, pour cesser d’être dos au mur, c’était d’être aussi radical que l’est Macron ? Mieux vaut s’unir sur un projet de transformation sociale plutôt que de miser sur un improbable repli dans les entreprises, là où l’application de la loi travail XXL va tout cristalliser, voire sur le corporatisme, qui va bon train de la CGC à la FSU, et reprendre le débat sur la réunification syndicale alors que les recompositions sur le terrain, dictées en premier lieu par la mise en place du comité social et economique, vont s’accélérer.
LD