Le gouvernement a décidé, lors d’une réunion le soir du 28 septembre, de reprendre « un nouveau cycle de concertations avec les partenaires sociaux et forces politiques ». Un projet de loi sera soumis au vote du Parlement « avant la fin de l’hiver » et la réforme entrerait en vigueur à l’été 2023, pendant la période des vacances, le gouvernement estimant sans doute que c’est une période qui n’est pas propice à des mobilisations d’ampleur.
parmi celles qui avaient été annoncées, ce sont les mesures les plus dures qui ont été retenues lors cette réunion : l’âge légal de départ à la retraite, actuellement à 62 ans, reculerait dès 2023 de quatre mois par an, pour atteindre les 65 ans en 2032. Les 42 régimes spéciaux (régimes spécifiques à des professions SNCF, RATP,EDF-GDF...) seraient supprimés. Cette réforme avait déjà été tentée par Juppé en 1995 et, mise en échec par la mobilisation. C’est à rappeler à touTEs celles et ceux qui ne croient pas à la possibilité de faire céder le gouvernement !
Des reculs d’ampleur…
Dussopt, le ministre du Travail, a pour mission de supprimer les critères de pénibilité au travail qui permettent de partir en retraite avant 62 ans, l’âge légal actuel. Si la loi Dussopt-Macron devait être appliquée, les travailleurEs qui souffrent des conditions définies par le Code du travail — contraintes physiques (postures pénibles, vibrations mécaniques, manutentions de charges), rythmes de travail pénibles (travail de nuit, travail répétitif caractérisé par la répétition d’un geste précis sur un cycle défini, du travail en équipes successives alternantes) ou environnements physiques agressifs (agents chimiques dangereux, bruit, températures extrêmes, milieu hyperbare) — devraient travailler jusqu’à 65 ans. En 2017, quatre des dix facteurs de pénibilité — postures pénibles, vibrations mécaniques, manutention manuelle des charges, exposition à des agents chimiques dangereux notamment les poussières et les fumées — avaient déjà été supprimées. C’était déjà une attaque gouvernementale contre les travailleurEs. Si on les laisse faire, il est à craindre que tous les critères autorisant les départs anticipés à la retraite soient à terme supprimés et que les conditions qui permettent aux handicapéEs de bénéficier d’un départ en retraite anticipé soient aussi modifiées à leur détriment.
Macron voudrait faire voter sa réforme cet hiver via un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS), sans exclure l’application de l’article 49-3 de la Constitution pour éviter un vote du Parlement où il serait perdant.
Les syndicats s’affirment opposés à ce qu’une réforme soit imposée de cette manière autoritaire mais la plupart d’entre eux continue de croire à la « concertation ». Toutes les contre-réformes depuis 1993 montrent que le seul moyen efficace pour ne pas subir un allongement de la durée de cotisations, un recul de l’âge de départ à la retraite, la baisse des pensions reste la grève générale reconductible et le blocage de l’économie.
… et des promesses
La Première ministre Élisabeth Borne a annoncé que le gouvernement reprendrait dès le 3 octobre « un nouveau cycle de concertations avec les partenaires sociaux et forces politiques (...) sur la base d’un départ à 65 ans ». À l’ordre du jour : le dispositif carrières longues, la pénibilité et la prévention de l’usure au travail, l’emploi des seniors, les aménagements de fin de carrière, la suppression des régimes spéciaux, le minimum de pension de retraite, l’adaptation des paramètres pour assurer l’équilibre financier du système de retraite.
Philippe Martinez a déclaré qu’il ferait des propositions sur le financement de la caisse de retraite vieillesse de la Sécu et a affirmé que « si c’est pour nous expliquer qu’il faut travailler plus longtemps, la concertation ne va pas durer longtemps » ; la CFDT « a pris acte d’une inflexion qu’elle réclamait » et a rappelé « son refus d’un report de l’âge légal ».
Macron renouvelle sa promesse annoncée pendant la campagne électorale pour les présidentielles : une pension minimale à 1 100 euros mensuels pour une carrière pleine alors que le minimum garanti aux fonctionnaires retraitéEs est de 1 248,33 euros par mois. Il prétend prendre en compte la pénibilité au travail alors qu’il a supprimé en 2017 quatre des dix critères de pénibilité instaurés par la loi de 2010. Il promet « d’indexer les retraites sur l’inflation dès cet été », promesse déjà annoncée auparavant à plusieurs reprises et restée sans suite !
Le COR et ses chiffrages aléatoires
Pour justifier son projet, le gouvernement s’appuie sur les projections hypothétiques du Conseil d’orientation des retraites (COR) qui annonce un déficit des retraites de 16 milliards en 2032.
Les projections démographiques et économiques du COR ont permis aux gouvernements successifs d’élaborer des contre-réformes prétendument inéluctables. Ces projections ne sont pas fiables. Exemple, la situation sanitaire a bouleversé les indicateurs qui annonçaient en juin 2020 un déficit du système de retraite de 30 milliards d’euros, incitant les commentateurs à annoncer dans les médias l’inéluctabilité des réformes du système de retraite. Mais la surmortalité causée par le Covid-19 a réduit les dépenses de retraites de 25 milliards fin novembre 2019 à 18 milliards en 2020. Autre facteur du peu de crédibilité des prévisions : le COR utilise trois conventions comptables différentes et établit quatre scénarios de croissance différents. Il a pu indiquer en 2020 que « le solde du système de retraite varierait entre + 2,1 % et 0,7 % du PIB en 2070 » une prévision qui varie du simple à presque le quadruple... pour 50 ans plus tard !
Avec son extraordinaire prescience, le COR pronostique un taux de chômage qui évoluerait de 5 % en 2027 à 7 % en 2032, ce qui aurait pour conséquence un ralentissement de la croissance économique entre 2028 et 2032. Le ratio retraitéEs/cotisantEs évoluerait de 0,583 en 2021 à 0,747 en 2050, soit une hausse de 28 %.
Les projections à court terme s’avèrent aussi pour la plupart souvent erronées. En 2021, le système de retraite a été excédentaire de près de 900 millions alors qu’un déficit était annoncé. En 2022, selon le COR, « l’excédent devrait s’élever à 3,2 milliards d’euros mais le système reviendra dans le rouge dès 2023 et le déficit devrait s’accentuer de 0,5 et 0,8 point de PIB d’ici à 2032 ». Le retour à l’équilibre est prévu « vers le milieu des années 2030 dans le meilleur des scénarios », prévision qui permet de dire au gouvernement que « ça justifie une réforme »1.
- 1. Les Échos.