La mise à l’agenda par le gouvernement d’une nouvelle réforme de l’assurance chômage est une nouvelle menace qui pèse non seulement sur les salariéEs privés d’emplois, mais sur l’ensemble du monde du travail.
Les recettes néolibérales de Macron et ses sbires ne résultent pas seulement d’une idéologie qui vise à rendre tout un chacun responsable de sa situation individuelle, quand bien même celle-ci serait le produit des choix des grands groupes capitalistes. Il s’agit également de s’en prendre concrètement à des conquis sociaux pour briser encore un peu plus les capacités de résistance collective du monde du travail, en favorisant les divisions en son sein et en « jouant » les privéEs d’emploi contre celles et ceux qui continuent de percevoir un salaire.
« Une armée de réserve industrielle »
Une opposition vieille comme le capitalisme, déjà identifiée en son temps par Karl Marx, qui avait défini la fraction du salariat au chômage comme « l’armée de réserve » du capital : « Si l’accumulation, le progrès de la richesse sur la base capitaliste, produit donc nécessairement une surpopulation ouvrière, celle-ci devient à son tour le levier le plus puissant de l’accumulation, une condition d’existence de la production capitaliste dans son état de développement intégral. Elle forme une armée de réserve industrielle qui appartient au capital d’une manière aussi absolue que s’il l’avait élevée et disciplinée à ses propres frais. Elle fournit à ses besoins de valorisation flottants, et, indépendamment de l’accroissement naturel de la population, la matière humaine toujours exploitable et toujours disponible. »1
En d’autres termes, l’existence d’une large population au chômage, qui n’est pas moins sous le contrôle du capital que ne le sont celles et ceux qui perçoivent un salaire, est un moyen de pression constant sur l’ensemble du salariat. Et il n’est guère surprenant que la Macronie dégaine sa nouvelle réforme de l’assurance chômage alors que, face à l’inflation galopante, de plus en plus de salariéEs revendiquent des augmentations de salaires, quitte à se mettre en grève. En engageant une réforme qui permettra aux capitalistes de recruter toujours plus de précaires mal payés, qui n’auront d’autre choix que d’accepter des emplois et des conditions de travail au rabais, sous peine d’être radiés de Pôle emploi, le pouvoir entend accroître la concurrence entre salariéEs et privéEs d’emploi, et la pression sur l’ensemble du monde du travail. C’est l’un des rôles fondamentaux de l’armée de réserve : « L’excès de travail imposé à la fraction de la classe salariée qui se trouve en service actif grossit les rangs de la réserve, et, en augmentant la pression que la concurrence de la dernière exerce sur la première, force celle-ci à subir plus docilement les ordres du capital. »2
Notre affaire à touTEs
L’opposition à la nouvelle contre-réforme du gouvernement devrait donc être l’affaire de toutes et tous. Non seulement en solidarité avec celles et ceux qui, au chômage, vont se retrouver contraints d’accepter n’importe quel emploi, aussi précaire soit-il, mais aussi, de manière plus générale, dans l’intérêt de l’ensemble du monde du travail et de la jeunesse. Pour chacunE d’entre nous, que l’on ait ou non un emploi, il s’agit en effet, en définitive, d’une question de salaire et de répartition des richesses : le système d’assurance chômage et les allocations versées aux privéEs d’emploi ne sont en effet pas une aumône généreusement attribuée par les pouvoirs publics, mais une part de notre salaire, socialisée, qui n’appartient qu’à nous. Les combats contre la nouvelle réforme de l’assurance chômage et pour l’augmentation des salaires font en réalité partie d’une seule et même lutte : celle du salariat qui exige son dû, contre les rapaces capitalistes et leur personnel politique.
C’est pourquoi nous avons choisi de revenir dans ce dossier sur les effets concrets du premier volet de la réforme de l’assurance chômage, déjà entré en vigueur, et sur les menaces que fait peser le nouveau volet à l’ordre du jour. Afin de mieux comprendre la mécanique à l’œuvre, mais aussi de se donner les moyens de la combattre pour éviter que les divisions au sein de notre camp, entretenues et favorisées par les possédants, ne nous affaiblissent dans un moment où la nécessité de l’unité des exploitéEs et des oppriméEs est particulièrement nécessaire face au rouleau compresseur néolibéral-autoritaire.