Publié le Samedi 20 novembre 2010 à 12h27.

LCA, radio de lutte et de libre parole

 

En 1977 débute en France ce qu’on a appelé le mouvement des radios libres, dans le sillage, notamment, de la Grande-Bretagne et de l’Italie. C’est un mouvement diversifié dont le point commun est la remise en cause du monopole d’État sur la radio. Après quelques succès, il se retrouve aux prises avec la répression et peine à trouver un second souffle. Il le trouve pour partie dans sa rencontre avec les mobilisations en cours, matérialisée par la mise en place de radios syndicales et politiques, en 1979.

Le secteur « propagande » de la CGT a un projet de radio de lutte dans ses tiroirs. À Longwy, au début de la lutte des sidérurgistes, la CFDT locale monte SOS Emploi, une radio dont la diffusion confidentielle est sans commune mesure avec son impact, considérable. La puissante CGT du bassin ne compte pas se laisser damer le pion par sa concurrente. La Confédération trouve là l’occasion de concrétiser son projet et accorde à l’Union locale CGT de Longwy d’importants moyens pour lancer Lorraine Cœur d’Acier, radio certes clandestine mais de fait protégée de la répression par la population mobilisée, et animée par des journalistes professionnels, notamment Marcel Trillat et Jacques Dupont. Cette dernière caractéristique donne à une radio militante les traits d’une expérience techniquement très réussie.

Conçue pour préparer la « marche sur Paris » du 23 mars, elle s’installe dans la durée et devient à la fois une caisse de résonance pour les luttes en cours et un espace de libre parole dont la population locale s’empare. LCA fonctionne selon le principe du direct permanent, avec un téléphone branché dans le studio. Aux émissions consacrées aux mobilisations s’ajoutent des émissions culturelles, une revue de presse quotidienne, des débats de société, une émission hebdomadaire animée par les immigrés…

Du point de vue confédéral, la radio est victime de son succès : son ancrage dans la population lui donne une audience que n’atteindront pas les autres radios de lutte de la CGT, mais l’appropriation de l’outil par la population, doublée de l’ascendant exercé par les journalistes, font progressivement sortir LCA du contrôle de la CGT. Avec le déclin des luttes, les aspects plus généralistes prennent logiquement plus d’importance, et l’ouverture professée fait finalement de la radio un lieu de débat interne à la sphère cégéto-communiste.

Il y a là une expérience très forte pour une série de syndicalistes, de femmes de sidérurgistes, non salariées, qui en sortent à jamais transformés. La reprise en main par la CGT est d’autant plus mal vécue qu’au-delà même de la brutalité des méthodes employées (notamment le licenciement des journalistes et la mise à l’écart des syndicalistes devenus peu fiables …), la radio incarnait ce qui tenait encore après l’échec de la bataille pour la sidérurgie.

Ingrid Hayes