Depuis les années 19401, une mouvance se revendiquant de « l’antisionisme » existe à l’extrême droite. Plus ou moins audible selon le contexte, cet « antisionisme » est un antisémitisme. « Complots », « finance apatride » et « lobbies »2
En juin 2010, dans Droite ligne (pro-Gollnisch), l’élu FN de Vénissieux (Rhône) Yvan Benedetti écrit : « La politique d’immigration est le résultat de l’asservissement d’un système politique […] aux intérêts du gros capital et des financiers apatrides. Tout comme la suppression des frontières et des monnaies nationales, l’immigration massive et le métissage ont été annoncés dans un livre prémonitoire publié en 1905 : les Protocoles des Sages de Sion »3.
En juillet 2010, les nationalistes-révolutionnaires (pro-Marine Le Pen) du cadre frontiste Christian Bouchet consacraient Résistance (cf. la Une du n° de septembre 2010 ci-dessous) à la dénonciation des « nationaux-sionistes ». L’éditorial concluait : « On nous accusera sans doute de diviser le mouvement de résistance national. Tout au contraire nous entendons le renforcer. Cela en dénonçant ceux qui ont fait le choix du national-sionisme. C’est-à-dire ceux qui voudraient nous engager dans des alliances improbables avec des lobbies qui n’ont eu de cesse, ces quarante dernières années, de nous lier les mains et de nous tirer dans le dos. C’est-à-dire aussi ceux qui voudraient nous voir prendre des voies […] qui sont sans issues pour le mouvement national mais qui seraient fort utiles pour la finance apatride et les lobbies ».
La géopolitique au service de la haine des juifs
Une partie de l’extrême droite est, dès les années 1960, admirative du pouvoir autoritaire exercé par certains dirigeants nationalistes arabes (Europe action consacrera un numéro à Nasser). François Duprat, VRP du négationnisme en France, fonde, dans cette même décennie, un fantomatique Rassemblement français pour la Palestine.
Maurice Bardèche écrit, un an après l’indépendance algérienne, dans les colonnes de Défense de l’Occident :« Le monde arabe est désormais notre voisin […] Or, l’hystérie antiraciste empoisonne avec un soin jaloux l’avenir des relations qui pourraient s’établir entre l’Europe et le bloc arabe, car il y a l’État d’Israël. En l’honneur de cette invention de l’antiracisme militant dont rien ne justifie le maintien dans l’aire géographique raciale des Arabes, nous nous constituons stupidement en adversaire du bloc arabe. »
En 1985, Alain de Benoist (Grece), dans la continuité de Jacques Benoist-Meschin, (ancien collaborateur de Vichy) considère le monde arabe comme « l’allié naturel d’une Europe désireuse de se dégager de l’étau américano-soviétique, un acteur privilégié dans la recherche d’une Troisième voie ».
Tandis que le stalinisme s’effondre, Jean-Marie Le Pen, lors de la guerre du Golfe (1990), privilégie la position des radicaux et rompt avec le cycle « thatchéro-reaganien » du FN : il dénonce le Nouvel Ordre mondial étasunien et soutient l’Irak de Saddam Hussein.
Lutte contre l’axe « américano-sioniste » et « nouvelles convergences »
Le GUD cuvée 1990 s’oppose à l’impérialisme américain, proclame son « antisionisme » et soutient l’Intifada. Son porte-parole, Benoît Fleury4, déclarait : « c’est pour désigner l’ennemi, et l’ennemi d’aujourd’hui en France, c’est la même chose qu’en Palestine. On est contre l’occupation sioniste avec un côté antisémite qu’il faut appliquer partout où les juifs peuvent être présents ».
Des dirigeants du GUD des années 1990 toujours actifs (Châtillon, Penninque, Mahé…) s’accordent avec les « nouvelles convergences » de Bouchet ou la « réconciliation » version A. Soral (avec le soutien de membres de l’Union des organisations islamiques de France-UOIF et du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens- CBSP) afin de toucher un nouveau public (la « liste antisioniste » de Dieudonné, le MDI de Kémi Séba… sont des pièces du puzzle « antisystème »). À la contradiction apparente entre le discours anti-immigrés du GUD et son soutien au Hamas et à l’islam était privilégiée l’entente sur des valeurs communes : « On se retrouve dans les valeurs de la famille et de la tradition chères à l’islam. Ce qui est paradoxal, c’est que l’islam peut être à la fois un allié et un ennemi. Autant la Syrie et l’Irak sont des régimes nationalistes laïques et on les soutient, autant l’islam peut être un danger pour la civilisation européenne. Pour le Hamas, c’est le côté combat identitaire qui nous plaît »5. Alain Soral développe une position assez proche.
En 2001, lors du congrès d’Unité radicale6, la dimension tactique du soutien du GUD apparaît crûment : «Nos alliés objectifs sont les Palestiniens qui nous aident à déloger les Israéliens. On fait un bout de chemin avec l’allié objectif et après on lui met une balle dans la tête. »7
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Gabriel Gérard
1. Défense de l’Occident, Jeune Nation, Occident (1964-1966), Parti nationaliste français (PNF), la Fédération d’action nationaliste et européenne (Fane), Troisième Voie, Groupe union défense (GUD) - cuvée 1990 -, Unité radicale, l’Œuvre française, au sein du Front national.
2. De nombreuses citations de cadres nationalistes sont disponibles. Pour notre part, nous privilégions les plus récentes. Pour ceux et celles qui veulent en savoir plus, il est utile de se procurer l’ouvrage de Jean-Paul Gautier « Les extrêmes droites en France » parues chez Syllepse en 2009.
3. Document antisémite monté par la police russe décrivant un faux complot «judéo-maçonnique» mondial.
4. Aujourd’hui, B. Fleury semble avoir changé d’« ennemi principal ». On le retrouverait parmi les signataires de l’appel «Raison garder ».
5. Jean-Paul Gautier, op. cit.
6. Dissoute en juillet 2002.
7. Le Monde, 16 juillet 2002.