Les territoriaux (agents des collectivités locales) ont souvent été en pointe dans le mouvement. Rien d’étonnant à cela, car la loi les frappe tout particulièrement, d’abord en alignant les cotisations sur le privé, les faisant passer de 7 % à 10 % ce qui correspond à près de douze jours de salaire par an. Ensuite, la fonction publique territoriale est très féminisée, et on sait comment la loi est particulièrement injuste pour les femmes. Illustration de cette forte mobilisation avec les territoriaux de Villejuif (Val-de-Marne).
Dès le mois de mai, les syndicalistes (CGT) étaient sur le pont, conscients que face au projet et au calendrier annoncés par Sarkozy, il fallait préparer un affrontement d’ampleur avec le gouvernement si on voulait avoir une chance de l’emporter. Déjà, des interrogations se faisaient jour sur la stratégie de l’intersyndicale, et notamment la participation aux réunions de « concertation » organisées par Woerth, ce qui n’était pas le meilleur moyen de préparer les esprits à la confrontation.
Tout l’été, une campagne de mobilisation auprès des 1 200 agents à été menée, par voie de tracts, affiches, interventions dans les services. L’affaire Bettencourt est venue percuter et renforcer les arguments des syndicalistes.
La journée de mobilisation du 7 septembre a été une réussite, avec un taux de grévistes massif et l’ensemble des services fermés. Dans la foulée, et refusant d’attendre le 23 septembre, comme convenu par l’intersyndicale, l’AG des personnels demandait à l’union départementale (UD) CGT 94 d’organiser une initiative devant l’Assemblée nationale où se discutait le projet de loi. Appel finalement relayé aux niveaux régional et intersyndical qui déboucha sur un rassemblement de quelques milliers de personnes le 15 septembre.
Dès lors, tout est mis en œuvre pour construire la mobilisation avec la perspective annoncée d’une grève dure et reconductible. Des actions en direction de la population et des services excentrés (plus d’une trentaine) permettent de faire grossir régulièrement la fréquentation des AG, qui restent malgré tout faible (entre 60 et 110 personnes). Finalement, l’annonce est faite largement que la question d’une grève reconductible sera posée le 12 octobre. C’était le signal qu’attendaient les salariés de la ville, puisque ce jour-là, 200 personnes votaient à l’unanimité pour une grève reconductible chaque jour en AG.
Chaque jour, la grève est reconduite, avec de plus en plus d’agents entraînés dans le mouvement et des AG de plus en plus massives (jusqu’à 350 personnes).
Dés le 13 octobre, un comité de grève, rassemblant syndiqués et non syndiqués, est mis en place. Il est chargé d’animer et d’organiser le mouvement et de gérer les questions que ne manque pas de poser une telle grève. Une mairie assurant un service public qui dans certains cas peut être vital (portage de repas pour personnes dépendantes par exemple), et la municipalité (PCF – PS) ayant été débordée par l’ampleur de la grève, le comité a dû, dans un premier temps, prendre à sa charge ces questions.
La première phase de la grève a consisté à alterner actions interpro (manifestations devant la préfecture, blocage de l’aéroport d’Orly, délégations dans les AG d’autres secteurs, etc.) et travail de mobilisation local, pour entraîner les collègues qui n’étaient pas encore dans le mouvement. Dès le début, certains services sont apparus clairement en pointe, essentiellement chez les plus bas salaires (personnels d’entretien, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelle-Atsem, etc.) alors que d’autres ont mis plus de temps à démarrer (services techniques, gardiens…).
Les territoriaux de Villejuif ont cherché en permanence à entraîner d’autres secteurs dans la grève. Ils ont pour cela multiplié les liens à commencer par les territoriaux d’autres villes (Gentilly, Choisiy-le-Roi, Chevilly-Larue…), mais aussi avec des enseignants, des hospitaliers, les lycéens, etc. Le point d’orgue de ces tentatives a été sans conteste l’envoi d’une délégation de 150 personnes à la raffinerie de Grandpuits (Seine-et-Marne) avec du ravitaillement pour le piquet de grève, et des centaines d’euros pour la caisse de grève. Cette initiative a suscité des centaines d’appels de toute la France de personnes voulant participer à la solidarité avec les grévistes. Des chèques ont été envoyés y compris depuis la Corse.
Plusieurs manifestations locales, en direction des entreprises de la ville (trois hôpitaux, le siège de LCL, des dizaines de PME) ont émaillé ces quatre semaines de grève. Au final, plusieurs centaines de collègues se sont mobilisés quotidiennement, mais ne sentant pas de volonté de l’intersyndicale de créer les conditions d’une riposte générale et ne voulant pas rester isolés, ils ont décidé de suspendre leur mouvement depuis le 6 novembre.
Aujourd’hui, tous disent leur disponibilité pour de futures luttes, mais réclament au préalable des assurances que tout sera mis en œuvre par les syndicats, à tous les échelons, pour préparer la grève générale qu’exige toujours la situation.
Correspondant