Scénario de Denis Lapière d’après Jack London, dessin d’Aude Samana, Futuropolis, 2016, 23 euros.
«Ils [les bourgeois] tenaient des conversations parfaitement insignifiantes et Martin tenta alors de se mélanger à ceux de qui il était encore le camarade il y a quelques mois à peine. En vain. à quoi cela sert-il donc de savoir ? Il était au désespoir ». Jack London a largement puisé dans sa propre vie pour raconter l’histoire de Martin Eden, jeune marin de 20 ans issu des bas-fonds d’Oakland, qui décide de devenir écrivain un peu par amour, beaucoup par vocation. Martin Eden finira par percer, mais le succès qui survient après une profonde déception amoureuse le plongera dans la dépression et le suicide. Six ans plus tard, Jack London se donnera également la mort.
Martin Eden est un texte éternel. Pas évident à scénariser, mais Denis Lapière ( Le bar du Vieux français notamment) a beaucoup de métier, et il a réussi à extraire du roman toutes ses subtilités : les classes sociales et les préjugés de la petite-bourgeoisie américaine du début du 20e siècle, la découverte enivrante de la culture et du socialisme, l’amour brûlant pour une jeune femme qui préférerait un mari notaire à un apprenti écrivain misérable.
Si le scénario manque parfois de rythme, les grands coups de pinceau et les couleurs chaudes d’Aude Samana (tiens encore une auteure !) retiennent le lecteur de bout en bout. L’illustratrice s’est beaucoup inspirée des portraits photographiques de Jack London pour incarner Martin, et l’épure de sa peinture nous glace d’autant plus lorsque Martin Eden décide de se laisser glisser dans les flots du Pacifique, une fois l’équateur dépassé.
Sylvain Chardon