De Pierre Dardot et Christian Laval, La Découverte, 2016, 13,50 euros. Commander à la Librairie La Brèche.
Dans plusieurs ouvrages parus depuis la fin des années 2000, Pierre Dardot et Christian Laval explorent les ressorts du néolibéralisme, l’œuvre de Marx et les jalons d’une stratégie de dépassement du capitalisme. Dans ce dernier ouvrage, ils fournissent une analyse des différentes facettes et conséquences désastreuses du néolibéralisme, « ce cauchemar qui n’en finit pas » et détruit la démocratie, tout en explorant les ressorts de la nécessaire contre-offensive.
Les auteurs annoncent d’emblée qu’ils écrivent ce livre avec un sentiment d’urgence face à l’accélération des processus économiques et sécuritaires, faces indissociables d’une offensive contre la démocratie, démocratie qui ne se résume pas à une procédure électorale, mais consiste par essence dans le pouvoir du peuple. Il s’agit donc de reprendre l’initiative dans la guerre des classes afin de vaincre l’oligarchie et d’imposer la démocratie.
Dardot et Laval décrivent avec talent les différentes facettes de la domination libérale. Ils soulignent comme essentielle la capacité du néolibéralisme à fabriquer un « imaginaire entrepreneurial », à apparaître comme porteur d’une promesse de liberté et de réussite à la portée de chaque individu. « Devenez votre propre patron, roulez quand vous voulez avec Uber », énonce le site www.uber.com...
Les voies d’une contre-offensive
La gauche de gouvernement n’est pas l’innocente victime des marchés mais bien une composante du bloc oligarchique. Ce qui subsiste de la vraie gauche doit, pour se reconstruire, ne pas se contenter de réagir aux effets du néolibéralisme mais le dénoncer comme forme de vie, reconstruire un autre imaginaire et ne pas tomber dans l’illusion de prôner le « retour de l’État ».
La contre-offensive a une dimension nationale et internationale. Elle suppose d’abord d’unifier des forces disparates en un « bloc démocratique » composé de forces politiques, syndicales, associatives, culturelles, etc. avec une plateforme commune et une nécessaire coordination des luttes au niveau international.
Le livre de Dardot et Laval est une incitation pour les anticapitalistes et révolutionnaires à se ressaisir de leurs fondamentaux : le but est bien de construire une autre société, « une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous » comme le formule le Manifeste communiste. Il faut effectivement opposer à l’imaginaire néolibéral qui prétend que chacun est maître de son destin et peut s’en tirer, voire s’enrichir, un imaginaire alternatif qui s’élève jusqu’à la proposition d’une « forme de vie désirable », en d’autres termes véritablement humaine.
D’autres aspects de l’ouvrage sont plus problématiques (comme la critique sans nuances de la forme parti), mais, au total, il constitue une contribution stimulante à l’indispensable réflexion stratégique.
Henri Wilno