Publié le Vendredi 1 décembre 2023 à 18h00.

Dulcie, de Benoît Collombat et Grégory Mardon

 

Du Cap à Paris, enquête sur l’assassinat d’une militante anti-apartheid, Éditions Futuropolis, 2023, 304 pages, 26 euros

Cela se fait de plus en plus. Voilà une histoire vraie, une enquête menée par Benoît Collombat, et racontée sous la forme d’une bande dessinée, par Grégory Mardon. Cela permet une lecture plus facile alors qu’il s’agit d’évènements plutôt sordides.

Il est question d’un assassinat politique, celui de Dulcie September, une militante noire sud-africaine contre le régime d’apartheid, le 29 mars 1988 à Paris. Enseignante, Dulcie avait été déjà condamnée à de la prison pour activité militante dans le parti de Nelson Mandela, l’ANC (African National Congress) considéré alors comme terroriste. Libérée, elle reste sous surveillance et sous menace permanente du pouvoir, alors elle quitte son pays et se retrouve en exil en France. Elle y devient représentante de l’ANC. Elle milite à fond pour soutenir à distance la résistance de son peuple.

À travers le combat de Dulcie, c’est aussi l’histoire des relations de la France et de nombreux pays européens avec le régime sud-africain, qui demeureront plus ou moins officiels et secrets, alors que se développe une mobilisation internationale contre l’apartheid et le racisme, avec une campagne de boycott. Au fil des pages, les auteurs nous rappellent l’hypocrisie et le cynisme des gouvernants français, notamment celui de Mitterrand, la gauche de l’époque, d’un côté dénonçant le racisme, d’un autre continuant les affaires commerciales avec le régime raciste qui réprime les révoltes noires, qui emprisonne, qui exécute régulièrement les militantEs noirEs.

Parmi ces affaires, il y a la coopération nucléaire et militaire, par la vente importante d’armes, en passant par des intermédiaires européens et le réseau classique de banques. Pas original du tout dans ce monde capitaliste ! Et puis, on retrouve l’État d’Israël (ironie de l’histoire), très impliqué dans l’aide nucléaire et militaire, le trafic passant par là et par l’île de la Réunion (possession française) pour finir en Afrique du Sud.

Cette enquête a le mérite de rappeler toute cette histoire, oubliée ou effacée. Le crime reste impuni trente-cinq ans après, malgré les tentatives de la famille, des militantEs anti-apartheid en France de relancer la justice. Par ce livre, l’hommage est rendu à Dulcie et à toutes celles et ceux qui ont participé au combat anti-apartheid et pro-boycott. Un combat qui en rappelle d’autres.