Éditions de l’Olivier, 2014, 18 euros
Dans ce livre on retrouve une soixantaine d’articles de Florence Aubenas publiés dans le Monde entre avril 2012 et mars 2014. Il s’agit donc de son travail de journaliste, de reporter, au plus près des gens dont elle raconte la vie, ordinaire mais le plus souvent difficile. Car c’est dans les quartiers, dans les cités, dans les villages, auprès des salariéEs, de la population, que Florence vient voir, écouter, pour essayer de comprendre ce qui se passe pour eux dans cette société. Quelles conséquences ont ces années de crise économique, sociale et politique, dans la vie de celles et ceux qui les subissent de plein fouet ?
Elle ne vient pas pour « pondre » un article de plus sur telle ou telle situation de telle ou telle personne ou groupe de personnes, en distribuant les bons ou les mauvais points. Elle donne la parole à celles et ceux qui ne l’ont pas souvent, en italique dans les textes. Il y a bien entendu chaque fois une raison qui fait que Florence se déplace aux quatre coins du pays : des problèmes dans une caisse de la CAF ; une ville comme Roanne où la classe ouvrière de la métallurgie et du textile est passée en quelques années de 55 000 à 5 000 salariéEs ; le mariage de deux femmes Joe et Marie, dans un village de 9 habitants en Ardèche ; les filles de chez Jeannette dont la boîte va fermer ; le deal dans une cité où le trafic est vécu comme un vrai (et seul) travail ; les vacances à Beauduc, un coin de Méditerranée qui échappe aux règles ; l’anniversaire de Narcissa, jeune fille Rom de 13 ans dans un squat de Saint-Étienne…
Le fil rouge de ce livre est la montée des idées réactionnaires, de l’extrême droite, avec par exemple une série de six articles sur Hénin-Beaumont au moment de l’arrivée du FN à la mairie, après un siècle de « gauche » dans cette petite ville ouvrière. Ce livre pourra sembler pessimiste, mais il est surtout remuant et révoltant, face au manque de perspectives et de rêves d’une autre vie qui reste le sort de ces anonymes à qui Florence Aubenas permet de s’exprimer. Et, avec ce livre, on aura bien compris que la politique a horreur du vide et que plus que jamais il y a besoin des idées anticapitalistes pour changer dans le bon sens cette société insupportable !
Jacques Raimbault