Publié le Mercredi 28 février 2018 à 17h26.

Essai : L’envers de Flins : une féministe révolutionnaire à l’atelier

De Fabienne Lauret. Éditions Syllepse, 300 pages, 15 euros. 

Le livre de Fabienne Lauret fera revivre pour les plus ancienEs, et découvrir aux plus jeunes, une époque, celle de l’immédiat après mai 1968, où la possibilité de changer le monde semblait à portée de main. Animés par cette imminence, de jeunes révolutionnaires, femmes et hommes, n’envisageaient pas leur vie hors d’un engagement militant global, dans l’établissement dans de grandes usines, des centres de tri, à la SNCF... mais aussi dans l’ensemble de leurs choix de vie, leurs lieux d’habitation, la vie quotidienne et les relations humaines.

Quarante années à l’usine

Le féminisme bouleversait aussi le militantisme autour de l’idée centrale que « le privé est politique ». Alors que sur les lieux de travail, on « fêtait », le 25 novembre (!), les « Catherinettes » – femmes « encore » célibataires à 25 ans –, alors que la fête des mères était l’occasion de cadeaux « ménagers », y compris de la part des organisations syndicales, les groupes femmes fleurissaient un peu partout, le combat pour le droit à l’avortement mobilisait massivement... Il faudra quelques années et beaucoup de détermination pour faire naître les commissions syndicales femmes.

Le récit couvre les près de quarante années que Fabienne Lauret a passées à l’usine de Flins, de l’atelier de couture au comité d’entreprise. Profondément humain, il est riche de nombreux portraits d’ouvrières, de syndicalistes, de militantEs... Fabienne revient aussi sur les « grèves à gogo ». Entre 1972 et début 1983, « pas une semaine, pas un mois, pas une année sans grève ». Sectorielles ou générales, longues ou courtes, victorieuses ou non, ces luttes sont des révélateurs du rapport de forces et des questions posées : durée du travail, organisation du travail (réorganisation des chaînes) et surtout la place des travailleurEs immigrés, de la grève de 1973, qualifiée de « grève de sauvages » pour stigmatiser les grévistes, ouvriers venus du Maghreb ou d’Afrique pour travailler à la chaîne, à celle de 1976 pour les congés sans solde permettant d’allonger les séjours au pays...

Les débats syndicaux et politiques ont aussi leur place, sur les tactiques de lutte, l’auto-organisation et, là encore, les plus jeunes découvriront une CFDT qui n’a pas grand-chose à voir avec celle que l’on connaît aujourd’hui !

Christine Poupin

Lire aussi linterview de Fabienne Lauret dans l’Anticapitaliste n°418.