Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz.Seuil, 2013, 18 euros
Dans le réquisitoire que nous faisons contre le capitalisme, nous nous efforçons d’être le plus lucide possible. Nous sommes persuadés d’être ses plus implacables procureurs. La lecture de ce livre peut nous en faire douter : prenons garde de ne pas sous-estimer les dégâts…
C’est dans les années 2000 que des scientifiques spécialistes du « système Terre » (géologues, écologues, climatologues…) proposent le concept d’« Anthropocène », pour dire que nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique. Mais l’événement Anthropocène est un livre d’historiens et c’est là son intérêt tout particulier. Ce qui nous arrive, nous disent-ils, n’est pas une crise environnementale, c’est une révolution géologique d’origine humaine. L’entrée dans l’Anthropocène comme « âge de l’homme » est située il y a environ 250 ans avec l’arrivée progressive de la machine à vapeur.
L’Anthropocène, c’est une Terre altérée par 1 400 milliards de tonnes de CO2 (charbon, pétrole). C’est un tissu vivant appauvri et artificialisé, imprégné de nouvelles molécules chimiques de synthèse. C’est un monde plus chaud et plus lourd de catastrophes, des mers plus hautes, des climats déréglés. Les scientifiques accumulent les données et les modèles qui nous situent au-delà du point de non-retour à l’Holocène sur la carte des temps géologiques. Mais pour les auteurs, l’Anthropocène est un événement et non un état de fait : c’est, disent-ils, « prendre l’histoire au sérieux tout en apprenant à travailler avec les sciences dites dures ».
Si par certains côtés, ce livre nous bouscule, à l’arrivée, cet essai, très tonique et parfaitement abordable, conforte notre combat : c’est bien le capitalisme qui est nommément mis en cause. Le colonialisme, l’impérialisme britannique puis américain, les deux guerres mondiales sont au centre de ce livre important.
Fernand Beckrich