Publié le Mardi 23 juillet 2024 à 10h00.

Être là où ça se passe, de Hugo Melchior

Préface de Jean-Paul Salles, édité à compte d’auteur, société française d’histoire politique (https://doi.org/10.58079/120i6), 2024, 20 euros.

La figure de « l’établi » est en général associée à celle de ces jeunes militants « maos » qui, pour « servir le peuple », allèrent s’embaucher en usine après mai 1968. L’intérêt du livre de l’historien Hugo Melchior est de montrer que « l’établissement » ne se réduit pas aux seuls militants « prochinois » puisqu’il concerna aussi des militantes et militants de la LCR, ainsi que le précise le sous-titre : « Ces militantes et militants de la LCR qui s’embarquèrent pour l’usine dans les années 1980 ».

Nouvelle séquence de luttes ouvrières

L’auteur replace d’abord ce « tournant ouvrier » de la LCR dans le contexte de la fin des années 1970. Suivant en cela les orientations du 11e Congrès de la 4e Internationale, la section française, la LCR, estimant que l’arrivée probable de la gauche au pouvoir ouvrirait une nouvelle séquence de luttes ouvrières, jugea qu’elle devait renforcer sa présence dans les bastions ouvriers. Afin d’augmenter le nombre d’ouvriers dans l’organisation, la LCR incita alors ses cadres et ses militantes et militants à aller travailler en usine.

Restituant les débats qui parcoururent la LCR au sujet de cette démarche volontariste de « prolétarisation à marche forcée », l’auteur rend compte des oppositions politiques à cette dernière mais aussi des mesures organisationnelles que la LCR mit en place pour la favoriser et aider les volontaires pour l’usine à faire le grand saut.

Parcours de vie

Enfin, et c’est sans doute la partie la plus éclairante de l’ouvrage, Hugo Melchior, en s’appuyant sur de longs entretiens avec les protagonistes de cette aventure collective et méconnue, rend compte à hauteur de femmes et d’hommes du bouleversement que cette entrée dans le monde ouvrier provoqua dans leur vie.  

À l’heure où il est de bon ton de moquer l’engagement militant, la découverte de ces parcours de vie « hors norme » remet les pendules à l’heure.