Publié le Jeudi 8 octobre 2015 à 11h22.

Fatima

Philippe Faucon, sortie le 7 octobre 2015, durée 1h19.

Le film Fatima sorti il y a quelques jours fait débat. Voici ci-dessous deux éclairages différents.

POUR : Le combat d’une femme

Un simple prénom : Fatima, l’histoire simple d’une femme et de ses filles, qui résonne comme celle de milliers d'autres. Une histoire d'où les hommes sont quasiment absents; son mari s'est remarié et  l'a quitté, seul furtivement un médecin  va l'aider le temps d’une consultation. 

Ce film est inspiré librement de l'histoire de Fatima Elayoubi qu'elle a consigné dans le recueil de poèmes "Prière à la lune", il se veut un manifeste pour toutes les femmes invisibles, qui font pourtant vivre l’économie de ce pays.

Ce qui montré ici ce sont des femmes qui travaillent tôt le matin, tard la soir, qui sont sous payées, obligées d'enchaîner deux voire trois boulots, souvent non déclarés, et qui subissent le racisme et la condescendance de leurs patrons blancs et des institutions.

Mais chez Fatima aucune résignation, aucune haine, juste une force farouche de se battre, jusqu’à pousser son corps à bout, pour gagner assez d’argent et payer des études à ses filles, pour qu’elles s’en sortent, qu'elles aient un boulot, un statut, une reconnaissance, bref, une vie différente de la sienne. 

Entrecoupés par les poèmes de Fatima Elayoubi, ses mots trouvent ici  un écho et résonnent comme un hymne : Nous sommes toutes des Fatima. 

Hélène Pierre

CONTRE :  : intégrez-vous !

Fatima vit seule avec ses deux filles : Souad, 15 ans, adolescente en révolte, et Nesrine, 18 ans, qui commence des études de médecine. Fatima maîtrise mal le français et le vit comme une frustration dans ses rapports quotidiens avec ses filles. Toutes deux sont sa fierté, son moteur, son inquiétude aussi. Afin de leur offrir le meilleur avenir possible, Fatima travaille comme femme de ménage avec des horaires décalés. Un jour, elle chute dans un escalier. En arrêt de travail, Fatima se met à écrire en arabe ce qu'il ne lui a pas été possible de dire jusque-là en français à ses filles.

Dans ce quatorzième film de Philippe Faucon on a tout pour nous attirer : une femme, de surcroit précaire, immigrée, victime de racisme, vivant en cité, qui élève ses deux filles seules, avec même du Bashung en BO et pourtant… ce film ne s’adresse pas à nous.

Si vous êtes un sans-chemise plus qu’un sans-dents allez voir ce film qui vous permettra au moins de découvrir certaines facettes de notre quotidien, mais dans le cas contraire, ce film n’a pas d’autre intérêt que la contemplation de notre classe. On ne ressort pas de la salle avec de nouvelles armes, avec une motivation, avec un message plus pertinent qu’au début du générique. Ce film se veut politique mais, comment faire un film politique sans faire un film politiquement, l’outil qu’est le cinéma est utilisé de la manière la plus traditionnelle qui soit : une succession de plans dans des décors propres, meublés tantôt par IKEA tantôt par des figurantEs omniprésentEs et gênantEs.

Si le film est plutôt bien accueilli par la critique et a même été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, c’est qu’il plaira sûrement à certains et certaine tout de même. Voici donc le top 5 des intérêts de ce film : 

1 – Il présente une image attendrissante de personnages qui n’ont pas le vent en poupe en ce moment… (Voir Dheepan de Jacques Audiard, BFMtv, le programme des autres partis politiques) 

2 – Il nous apprend que toutes et tous les arabes ne sont pas des voleurs ( … JURE WALLAH!) 

3 – Il va certainement (espérons) mobiliser les syndicats d’acteurs et d’actrices qui se font voler leurs boulots par des non professionnels qui ne maîtrisent pas le métier (certains et certaines s’en sortent mieux que d’autres).

4 – Au cinéma, il est précédé du spot publicitaire du gouvernement « stop-jihadisme » Car ce n’est pas parce qu’on va voir un film social qu’on a pas le droit de rigoler un peu…

5 – Il nous apprend qu’accepter le racisme et la précarité, courber le dos, baisser la tête et serrer les fesses, peut être une… « intifada » et que ça marche … 

Bref, avec une critique comme celle-ci, vous ne pourrez qu’être agréablement surprisEs de ce film.  Le débat est ouvert !

Tahar Rick

Voir également l'interview sur France Inter


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