Traduit de l’anglais par Charles Bonnot. Éditions Marchialy, 2023, 200 pages, 21,10 euros.
Lorsque Anjan débarque en République centrafricaine, c’est avec la complicité active de sa compagne, elle-même correspondante de guerre. Il doit aller au contact des zones les plus chaudes de la guerre civile, afin de rendre compte des massacres perpétrés par les troupes du président Djotodia, à la tête de la coalition ethnique Séléka et de documenter les exactions commises tant par le pouvoir que par les forces de la rébellion chrétienne anti-balaka. C’est que la République centrafricaine, pépite du colonialisme français tardif, n’intéresse pas grand monde : ce qui s’y passe reste tapi sous une chape de silence gêné.
Sans pathos, sans héroïsme déplacé, l’auteur de Fracas, mariage d’un correspondant de guerre nous livre un récit plein d’une extrême violence, mêlée à une terrible banalité... Alors, sans préavis, au creux de sa narration s’insinue, très discrètement d’abord, puis plus pesamment, le doute qui va miner l’auteur, son couple, sa famille. La subtile articulation d’un sentiment de culpabilité de plus en plus envahissant — il a laissé sa famille au Canada, et le choix d’aller au front les expose, lui et les siens, au risque extrême de sa disparition — et de la sensation croissante que sa liberté est en cause, dès lors que sa compagne, restée seule « à la maison » avec leur enfant, semble ne plus vouloir le laisser repartir ni repartir elle-même...