La journée de lancement et de présentation du programme ainsi que le dévoilement de la compétition officielle du 49e festival de BD d’Angoulême (27 au 30 janvier 2022) s’est tenue au Musée de l’Immigration à Paris, porte Dorée, mardi 23 novembre.
Le lieu était symbolique à un moment politique nauséabond auquel le monde de la BD s’oppose massivement. En conséquence, le Musée de l’immigration décernera un prix, sur la base d’une sélection de huit ouvrages, lors du festival à une BD traitant du sujet. L’Anticapitaliste y était invité et nous livrons ici quelques évènements qui pourraient marquer cette 49e édition pas encore entièrement libérée des risques liés à la pandémie
La diversité au centre de la programmation des expositions
La diversité des artistes et des œuvres présentée via des expositions, contribuera à proposer autant de portes d’entrée à un monde ouvert en résistance : Chris Ware (américain « underground » et Grand Prix 2021), Aude Picault (féminisme et érotisme), René Goscinny (« The Last Prophet »), Loo Hui Phang (arts graphiques), Christophe Blain (Western), Simon Roussin (BD et Dada).
À l’heure où 77 % des enfants (7-15 ans) lisent des bandes dessinées, les expositions Mortelle Adèle, personnage culte d’une génération de pré-adolescents, ainsi que le duo Camille Jourdy et Lolita Séchan, seront autant d’incitations à la découverte et à la lecture tout simplement.
En dépit de la situation sanitaire qui complique beaucoup les relations avec l’Asie, le festival peut d’ores et déjà garantir deux expositions, reflet d’approches créatives très différentes mais en lien avec un discours critique : Shigeru Mizuki et Tatsuki Fujimoto. L’espace Manga City, élargi, offrira une large diversité éditoriale et d’animations culturelles qui sera complétée et musclée en fonction de la situation sanitaire. Une « hénaurme » surprise est annoncée mais…
46 albums en compétition officielle pour les « Fauves » et 37 autres pour les divers prix
La sélection officielle met en avant deux romans graphiques dont l’Anticapitaliste a fait la « promotion » à la rentrée. Le Grand Vide de Léa Murawiec, jeune autrice entièrement formée à Angoulême qui livre une critique implacable de nos sociétés soumises au diktat du paraître, et l’Espoir malgré tout d’Émile Bravo qui ressuscite le « vrai » Spirou résistant pendant l’occupation nazie de la Belgique.
Les 83 livres retenus cette année explorent, au travers de démarches artistiques multiples, une diversité de situations et de sujets qui devrait permettre à chacun de trouver son bonheur dans la lecture et dans la promotion de la jeune création. Outre le graal du « Fauve d’or », les différents autres « Fauve » (« Jeunesse », « Écologie », « Polar », « Lycéens », « Patrimoine », etc.) mettent l’accent sur un sujet plus spécifique bien que tous soient intersectionnels.
Projet un peu avorté en 2021 en raison de la pandémie : les scénaristes, souvent oubliés, seront particulièrement mis à l’honneur avec deux prix « Goscinny », dont le prix du jeune scénariste.
Et le social ?
La pandémie, en ne permettant pas le regroupement massif des créateurs, n’a pas permis l’an passé de renouveler la contestation sur la place publique comme les années précédentes à Angoulême. Pourtant, la situation sociale des créateurs et créatrices ne s’est pas ou très peu améliorée (le site internet de la mutuelle fonctionne enfin !). Le grand capital de l’édition fixe toujours des règles iniques et cherche même à échapper à la « lourdeur » des vieilles maisons d’édition plus enclines à négocier devant un rapport de forces. La concentration massive dans le secteur de la diffusion conduit à des projets de « libre auto-entrepreneur » qui pourrait encore assécher les revenus des à-valoir (acompte sur commande).
À cette situation s’ajoute le projet de création du parc d’attraction « Imagiland » sur le thème de la BD au sud d’Angoulême. Bien évidemment en lieu et place d’une zone humide et à l’intérêt culturel nul. Les oppositions se sont construites notamment pendant la campagne des régionales et des investisseurs financiers importants reculeraient mais rien n’est certain.
Et si on faisait une BD où le culturel, le social et l’écologie manifesteraient et gagneraient ensemble !