Éditions La Découverte, coll. Zones, 2024, 256 pages, 20,50 euros.
C’est un livre d’enquête et d’analyse sur les transformations de quartiers à Paris et autour, avec l’extension des lignes de métro, les nouvelles gares, avec en toile de fond l’arrivée des Jeux olympiques. Écrite par une géographe et une journaliste, cette histoire presque banale d’aménagements urbains est en réalité dramatique pour les habitantEs concernés, surtout évidemment les plus modestes et les plus précaires.
Témoignages des habitantEs des quartiers populaires
On est face à une machine infernale, tout à fait dans la mode ultralibérale, le capitalisme dans sa splendeur, une machine à profits, à faire des affaires, au mépris de l’intérêt général, sans scrupule, ne craignant pas de détruire des vies. Les politiques d’urbanisme sous prétexte de moderniser, adapter, développer, en réalité renforce l’appropriation et le pouvoir de la minorité qui décide et qui possède.
Une bonne partie du livre comprend des témoignages d’habitantEs, locataires ou propriétaires, de militantEs associatifs, de quartiers. Ils racontent ce qui se passe concrètement avec ce projet de « renouvellement urbain » qu’est le Grand Paris. Il s’agit de quartiers populaires, composés très souvent de populations racisées, d’origine immigrée, qui sont transformés profondément, des immeubles sont démolis, les logements détruits, les habitantEs expropriéEs et expulséEs.
Cela sans ménagement, brutalement même, dans l’esprit du moment. Cela au nom de l’utilité publique. Les habitantEs ne peuvent que subir, accepter, en espérant être relogéEs dans des conditions pas trop mauvaises, pas trop loin. Car le changement dans ces quartiers, ce sont des logements plus chers, qui deviennent inaccessibles pour les plus modestes.
La gentrification : la lutte de classe dans l’espace urbain
Cela s’appelle poliment la « mixité sociale », ce concept qui fait venir des gens moins pauvres dans des quartiers qui concentrent trop de pauvreté, pour éparpiller cette pauvreté, cela aux yeux des pouvoirs politiques. Nommé autrement, c’est la gentrification, un processus qui éloigne les pauvres des centres-villes. C’est la lutte de classe appliquée à l’espace urbain, aux lieux de vie.
Les témoignages sont émouvants, ils expriment une véritable souffrance et démontrent bien les dégâts humains et sociaux des politiques urbaines en place. Les autrices racontent et analysent aussi clairement à quel point les pouvoirs politiques nationaux et locaux, les éluEs des collectivités territoriales adhèrent aux logiques libérales au service des capitalistes de l’immobilier. Elles finissent par une réflexion sur une issue démocratique, par la réappropriation collective de l’urbanisation, de l’habitat, par cette lutte de classe que les oppriméEs ont tout intérêt à reprendre à leur compte.
Philippe Poutou