Journaliste de presse écrite et de radio, l’auteur, un temps proche de Michel Rocard, a livré des analyses à Terra Nova, le « think tank de la deuxième gauche », mais a aussi travaillé pour diverses ambassades françaises à l’étranger. C’est l’origine de cette vaste enquête, dont le premier tiers est consacré à « l’entertainment américain » et le reste à « la guerre culturelle mondiale », qui repose largement, mais non exclusivement, sur les matrices mises au point aux États-Unis et dont F. Martel a fait l’histoire dans sa thèse, source d’un autre ouvrage tout aussi volumineux et instructif, De la culture en Amérique (édition revue et augmentée 2011, Champs, 840 p., 15 euros). Mainstream s’intéresse moins à la « culture » (ou aux arts, comme disent les Américains) qu’aux rivalités désormais mondiales entre industriels du divertissement et de l’information pour former les goûts et s’assurer des positions dominantes en termes de marché et d’influence, « soft power » dont se préoccupent évidemment aussi les États. Ce reportage alerte qui promène le lecteur de Bollywood au Caire et de Pékin à Rio laisse de côté ce vecteur majeur qu’est Internet, mais il signale des faits essentiels à la compréhension des événements actuels, notamment dans les pays arabes. Ainsi, le prestige sans égal dont y jouit « l’accent du Caire », aussi bien au cinéma qu’à la télévision et à la radio, explique certainement le déploiement médiatique d’Al Jazeera et de ses concurrents, mais aussi toutes les volontés de contrôler ce qui peut se faire ou se dire de retentissant aujourd’hui en Égypte. Plus généralement, F. Martel a raison d’attirer l’attention sur ce qu’il nomme le capitalisme des « industries créatives » et de signaler que son principal indicateur de développement est la démographie, puisque son « cœur de cible » est la jeunesse du monde entier.
Gilles Bounoure
Flammarion , Champs actuel, 582 pages, 9 euros