Publié le Lundi 11 février 2013 à 15h06.

Marseille : « the place to go » en 2013

Face à la Bonne Mère, le « Pavillon M » est un beau bâtiment faisant office de point névralgique de l'opération « Marseille-Provence 2013 » (MP2013). Choisie pour être capitale européenne de la culture, la ville a investi 3 millions d'euros pour un édifice qui ne durera que le temps de « l'année capitale »…Les débats ont été certes en apparence houleux, mais PS et UMP font front commun pour défendre l'année 2013, censée faire rayonner Marseille à travers le monde, devenant ainsi « the place to go ». D'un point de vue critique et populaire pourtant, la réalité tranche avec cet unanimisme autour de la vitrine culturelle : une chasse aux pauvres et aux cultures alternatives et urbaines.Des millions pour une opération de com' La visite du Pavillon M en est une illustration caricaturale. Les expositions permanentes et animations multimédias évitent ainsi soigneusement d'évoquer des emblèmes marseillais un peu trop gênants. Lorsque le chapitre « culture » oublie la place du rap dans la ville et que le volet « histoire » met de côté les immigrations postcoloniales, c'est pour mieux laisser place à un coup de com' à 2 millions d'euros sur l'opération Euromed. Ce nouveau pôle financier, construit sur les ruines d'anciens quartiers populaires, a du mal à démarrer. Après avoir fait fermer de nombreux lieux associatifs qui faisaient vivre tant bien que mal les nuits marseillaises (coupes de subventions, répressions administratives et policières), le centre ville s'est ainsi déplacé des quartiers populaires vers le nouveau quartier d'affaire. La soirée inaugurale « offrait » ainsi aux Marseillais une vingtaine d'activités culturelles dont les trois quarts étaient concentrées dans ce nouveau centre. Quelle belle opération que de voir les 400 000 participantEs, issus de toutes les couches sociales, faire – mollement – la fête entre des bâtiments dont certains de leurs amiEs, parents ont été expulsés les années précédentes…Dans les quartiers, ça bouillonneContinuons la visite. Un peu plus au nord, entre les tours de béton, MP2013 n’a pas oublié les habitantEs des cités, et eux non plus n'ont pas oublié MP2013. C'est dans le Grand Saint-Barthélémy, cité à l'identité militante affirmée depuis longtemps, qu'a été donné le coup d'envoi de l'expression critique et populaire. MP2013 voulait y implanter l'un des 13 « Quartiers Créatifs » censés « apporter » la culture dans les quartiers et rectifier le tir d'une programmation concentrée de manière trop visible sur le centre ville. Fort d'un tissu associatif qui n'a pas besoin qu'on lui donne des leçons de culture mais plutôt des subventions, mobilisé depuis deux ans pour faire face aux dangers de l'opération de rénovation urbaine en cours (cf. Tout est à nous ! n°143), les acteurs associatifs se sont mobilisés pour critiquer de manière globale le projet. Les « Quartiers Créatifs » sont annoncés clairement dans leur convention d'objectif comme devant permettre de « valoriser les changements urbains » et ainsi masquer les conflits sociaux. Concertation inexistante, budget de 420 000 euros pour un jardin artistique éphémère, aucune retombée économique pour les associations et les habitantEs… la critique du projet a permis aux associations de faire de nouvelles propositions pour un développement culturel, urbain et économique pérenne. Cette nouvelle mobilisation a permis d'attirer quelques médias nationaux et de bousculer les éluEs. La réponse ne s'est pas fait attendre et Valérie Boyer, députée UMP et élue municipale en charge de la politique de la ville et des rénovations urbaines, s'est empressée de comparer les associations à une mafia. Si vous « descendez à la capitale », ne boudez pas votre plaisir. Visitez les expositions et profitez des spectacles… et des 91 millions d'euros investis qui s'ajoutent aux centaines de millions d'euros d'équipements. Mais à une condition : venez voir les coulisses, les quartiers populaires et leurs associations, les « petits lieux » culturels qui tentent de s'organiser ou encore le festival « Paroles de Galère », autofinancé et militant. Bref, Marseille n'a pas attendu 2013 pour être une ville riche culturellement, populaire et fière de ses immigrations. Si « l'année capitale » souhaite tourner le dos à cette histoire et à cette identité, cela ne nous découragera pas de vous faire visiter le Marseille des résistances.Kevin VayPour lire cet article dans son intégralité : http://blogs.mediapart.fr/blog/kevin-vacher