Publié le Lundi 9 février 2015 à 07h26.

Roman : Présentation des haïdoucs

De Panaït Istrati. Éditions l’échappée, collection Lampe tempête, 2014, 14 euros

 

Les haïdoucs sont dans la Roumanie du 19e siècle des bandes de brigands qui s’attaquent aux autorités et aux nobles ; des hommes libres par rapport aux paysans asservis aux princes et aux propriétaires fonciers (sans oublier les Tsiganes réduits en esclavage). Les haïdoucs sont devenus un thème de ballades populaires que Istrati transpose dans cet ouvrage achevé en 1925.

Le livre est construit comme une série de six récits : une bande de haïdoucs vient de subir une défaite, et ceux qui décident de continuer se réorganisent sous le commandement d’une femme. Elle se présente, elle raconte sa vie, et demande aux quatre membres de son état-major de faire de même. à la fin, un haïdouc « de base » prend aussi la parole.à travers ces récits, on perçoit la dureté de la condition paysanne dans la Roumanie de l’époque et la toute-puissance des nobles et des collecteurs d’impôt qui s’exerce, en particulier, par un comportement de prédateur sur les femmes du peuple. Panaït Istrati utilise la référence aux haïdoucs pour affirmer la légitimité de la révolte. La fin du livre est parcourue par une question amère : que signifie être un haïdouc quand les paysans, les esclaves, ne se révoltent pas, semblent accepter leur servitude ?

ItinérairesCette problématique renvoie à la personnalité et à l’itinéraire de Istrati. Issu d’un milieu très pauvre de Braïla, port du delta du Danube, il exerça tous les métiers : manutentionnaire, marin, peintre en bâtiment, photographe ambulant…, cela avant de venir en France et d’écrire en français plusieurs ouvrages remarqués. Admirateur de la Russie soviétique, il rompt avec celle-ci après un long séjour en URSS et publie en 1929 sous son nom un des premiers témoignages critiques : Vers l’autre flamme (co-rédigé avec Victor Serge et Boris Souvarine).

Ce livre entraîne une campagne du PCF contre lui, et son isolement par rapport à ses amis français. Il revient en Roumanie et tout en continuant à dénoncer les injustices sociales, il rompt violemment avec le communisme et toute perspective révolutionnaire. Sans les arrières sociaux d’un André Gide (qui publiera un peu plus tard un Retour d’URSS désabusé) et sans guère de formation politique, la révélation de la réalité stalinienne broie en lui toute espérance et l’entraîne à quelques dérives (contre lesquelles Victor Serge l’avait mis en garde). On trouvera une biographie de Panaït Istrati chez le même éditeur, Panaït Istrati, un chardon déraciné de Monique Jutrin (1). 

 

Outre cette Présentation des haïdoucs, plusieurs ouvrages de Panaït Istrati sont disponibles en poche dans la collection Folio. Ceux regroupés sous le titre la Jeunesse d’Adrien Zograffi, constituent un témoignage essentiel sur la vie populaire dans la Roumanie du début du 20e siècle.

Henri Wilno

1 – Éditions L’échappée, 20 euros.