Publié le Mercredi 10 décembre 2025 à 14h48.

Terres et Liberté, manifeste antiraciste pour une écologie de la libération

Essai. Coordonné par Fatima Ouassak, éditions Les Liens qui Libèrent, 2025, 192 pages, 14 €

Ce « manifeste antiraciste pour une écologie de la libération » n’est pas un livre de plus sur l’écologie. C’est un cri collectif, un chant de luttes venu des marges, une boussole pour celles et ceux qui refusent de sauver la planète en oubliant les peuples qu’on a sacrifiés pour la construire.

Premier ouvrage de la collection Écologies de la libération, dirigée par Fatima Ouassak aux éditions indépendantes Les Liens qui Libèrent, ce livre rassemble chercheurEs et collectifs militants. À 14 euros, son prix est un geste politique : rendre ces savoirs accessibles, transmettre sans barrières. L’ambition est claire : faire émerger une écologie antiraciste et décoloniale, qui ne sépare plus la défense du vivant de la lutte contre les rapports de domination.

Parmi les contributions, celle du Collectif Vietnam Dioxine, qui lutte pour la reconnaissance des victimes de l’agent orange, frappe par sa puissance politique et sensible. Partir d’un poison répandu sur les terres vietnamiennes pour remonter à la source du monde qui l’a produit : voilà le pari. Le refus persistant d’indemnisation des victimes révèle une vérité brutale : certaines vies valent moins que d’autres. Non par fatalité, mais par construction historique, héritée des conquêtes coloniales, d’un régime moderne fondé sur l’appropriation, la prédation et la hiérarchisation raciale.

À partir de là s’ouvre une autre question, vertigineuse : comment, depuis le Nord, revendiquer la protection de terres empoisonnées au Sud sans reproduire les logiques coloniales ? Comment aimer une terre quand on est de la diaspora, quand on est perçuEs comme étrangerEs partout ? Le livre refuse les pièges identitaires tendus par l’extrême droite comme par les assignations raciales : ni assimilation forcée à la blanchité, ni fantasme d’une origine « pure ».

En réponse, Terres et liberté propose une autre manière d’habiter le monde : un rapport rhizomique aux terres et aux luttes. À l’image des mangroves, ces forêts marines aux racines enchevêtrées, les identités se déploient horizontalement, dans la relation, la circulation, le collectif. Ni racine figée, ni sol sacralisé, mais des ancrages multiples, mouvants, solidaires.

Ce livre nous rappelle une chose essentielle : il n’y aura pas d’écologie sans justice, pas de défense de la Terre sans libération des corps qui l’habitent. Et si l’écologie de la libération avait justement pour tâche de faire refleurir, dans les terres abîmées comme dans les vies blessées, la promesse d’un autre monde ?

Amel