Publié le Lundi 29 juin 2015 à 14h09.

Théâtre : Pièce d’actualité n°3 : 81 avenue Victor Hugo

Il s’est passé une chose ordinaire à Aubervilliers. Suite à l’expulsion de deux squats sur la ville et à un incendie dans un immeuble en réfection qui a entraîné la mort d’un de ses habitants, après un campement très dur sur une petite place de la ville pendant 4 mois, l’ensemble des expulsés a investi l’ancien local de l’agence de Pole emploi situé au 81 avenue Victor-Hugo....

La mobilisation, le soutien local du comité de vigilance, du DAL, des syndicats, ont permis un répit significatif. La justice a accepté de donner un délai aux occupants de l’agence, au moins jusqu’en 2016.

Et c’est là que l’extraordinaire se produit. La totalité des habitants-occupants du 81 Victor-Hugo sont des sans-papiers. Comme il y avait du temps du fait des délais accordés par la justice, Marie-José Malis, la directrice du Théâtre de la Commune à Aubervilliers et Olivier Coulon-­Jablonka, metteur en scène, ont décidé de travailler avec eux, et leur ont proposé la Pièce d’actualité n°3. Après de longues discussions, des échanges, pour dissiper les craintes, les a priori, ceux-ci ont accepté, et 8 d’entre eux, au nom du collectif, se sont engagés. Recueil de témoignages, écriture des textes, scénario et mise en scène, tout cela a abouti à un spectacle d’une rare intensité.

Celui-ci a été présenté du 5 au 16 mai au Théâtre de la Commune sous le titre 81 avenue Victor-Hugo. Les 8 hommes nous emmènent, frontalement, avec eux sur leur chemin, depuis Abidjan, Ouagadougou ou Dhaka. Avec intensité, émotion, avec humour, ils déroulent leur parcours, leurs difficultés pour surmonter les obstacles, les frontières qui ne sont pas seulement naturelles. La mise en scène transforme ces sans-papiers qui deviennent alors, sur scène, les acteurs de leur vie, changeant de statut et modifiant le regard qu’on porte sur eux. Elle transforme aussi les spectateurs en acteurs, particulièrement quand les 8 font face au public, séparés de lui par la fosse d’orchestre qui pourrait être la Méditerranée. Après leurs mots, les silences pèsent lourd, interpellent les spectateurs qui ressortent troublés de cette aventure.

L’extraordinaire se poursuit...

Rapidement le bouche à oreille a fonctionné. Et un public nombreux est venu assister aux représentations qui se sont déroulées en mai. De nombreux articles sont parus dans la presse. L’actualité des migrants en Méditerranée, à Vintimille, à La Chapelle, à Calais, est entrée en résonance avec la parole d’Adama Bamba, Moustapha Cissé, Ibrahim Diallo, Mamadou Diomandé, Inza Koné, Souleyman S, Méité Soualiho et Mohammed Zia, les acteurs de ce spectacle. La pièce sera présentée dans le « In » à Avignon1, et sera reprise en octobre au Théâtre de la Commune à Aubervilliers.

L’extraordinaire enfin. Devant son succès, devant la pression médiatique, la préfecture de la Seine-Saint-Denis n’a pu rester en dehors de ce scénario. Le préfet à l’égalité des chances du 93 a vu la pièce. Des négociations ont eu lieu directement avec les habitants du 81 avenue Victor-Hugo et engagement a été pris d’une régularisation par vague de l’ensemble des occupants du lieu...

Évidemment l’exception n’est pas la règle, mais ne ratez pas la pièce quand elle sera à votre portée, elle parle du genre humain.

JMB

  • 1. Les 23, 24 et 25 juillet à 15 h au gymnase du lycée Saint-Joseph.