La mobilisation contre la réforme des rythmes scolaires est une illustration des relations complexes que les enseignants entretiennent à l’appareil d’Etat. La grève du 14 novembre a montré l’ampleur du rejet de la réforme : plus d’un enseignant sur deux était en grève alors que les deux syndicats majoritaires (SNUipp-FSU et SE-Unsa) n’avaient pas appelé à la grève sur le plan national, certaines villes rassemblaient jusqu’à 92 % de grévistes… Mais, quelques jours plus tard, leurs organisations syndicales sont sagement allées négocier avec le ministère des modifications sur le statut des personnels…
Cela pose de façon assez crue la question de qui contrôle qui. Les organisations syndicales sont supposées tirer leur légitimité des personnels alors qu’en réalité, et en particulier lorsque la gauche est au gouvernement, elles semblent pour la plupart d’entre elles recevoir directement leurs ordres du Parti socialiste.
Dans le SNUipp-FSU, près de la moitié des sections départementales ont appelé à la grève contre l’avis de la direction nationale, la tendance d’opposition de gauche a recueilli au congrès son meilleur score depuis la création du syndicat, mais la direction tient, refusant même de se rendre aux intersyndicales proposées par SUD et FO. Bien sûr, elle n’a pas la bêtise d’aller aussi loin que la direction de la FCPE, qui défend la réforme par n’importe quel moyen. Mais elle joue indéniablement un rôle de frein d’une rare ampleur.
Les mobilisations actuelles des enseignants, avec leurs grèves départementales, leurs tentatives de reconduction de la grève, un certain réinvestissement dans les assemblées générales, les débuts de prise de contact avec les personnels des mairies, témoignent de la nécessaire autonomisation des personnels de leurs directions. Un syndicaliste, s’opposant dans une réunion à « la grève reconductible comme fin en soi », oubliait un peu vite l’aspect décisif de la grève dans la construction de la conscience de classe : comment décider de ce que l’on veut, comment agir en subissant l’aliénation que constitue le travail ? Il ne s’agit pas de déserter les syndicats, mais de considérer qu’en temps de mobilisations, ils sont un outil d’action beaucoup plus restreint que l’auto-organisation.
La relation de dépendance des personnels vis-à-vis de leurs syndicats est à la hauteur de la pression exercée par le cadre bourgeois de l’école : il aura fallu plusieurs mois pour que nous soyons capables de considérer que nous pouvons nous battre avec les personnels des mairies contre la réforme du gouvernement et les municipalités qui l’appliquent.
Car l’école que nous voulons est à l’opposé de celle des réformes Darcos et des rythmes scolaires, qui organisent les discriminations et le décrochage des classes populaires. Notre école ne distinguerait et hiérarchiserait pas ce que les pédagogues libéraux appellent le « socle commun de connaissances » (la grammaire, les techniques opératoires, la connaissance des dates historiques) par rapport au jeu, à la culture, à la production libre dans tous les domaines.
Avec sa contre-réforme, le gouvernement aggrave les inégalités, avance dans la casse du cadre national de l’éducation et la mise en concurrence des différents personnels (enseignants, animateurs et spécialistes de certains domaines culturels). Pour nous, tous ces personnels devraient collaborer, avec des statuts d’enseignants, pour construire des apprentissages appuyés sur la réalité et la culture populaire.