Publié le Jeudi 12 avril 2012 à 17h54.

Pour l’émancipation de tous les jeunes !

 

L’école subit depuis des années des attaques qui se traduisent par une dégradation des conditions des personnels et du service d’éducation à destination des élèves. Il est urgent d’inverser la tendance et de défendre une école émancipatrice.

Les politiques menées depuis la fin des années 1990 en matière d’Éducation montrent que l’école est dans le viseur des capitalistes par plusieurs aspects.

Dans le cadre de la concurrence internationale entre les capitalistes, l’objectif annoncé de s’attaquer au « coût du travail », la soumission au dogme de la compétitivité, renforce un projet éducatif conçu comme une fabrique de main-d’œuvre. Le système éducatif, de la maternelle à l’université, est poussé à promouvoir de plus en plus l’individualisation de l’échec scolaire, la culpabilisation et la culture du mérite, favorisant ainsi, dès le plus jeune âge, l’individualisme et la mise en concurrence liés au fonctionnement des entreprises. La ségrégation et la reproduction sociale ont été accentuées notamment par la destruction de la carte scolaire. L’organisation élitiste et sélective de la scolarité voudrait justifier les inégalités sociales et la division du travail. Alors que les capitalistes sont à l’offensive contre les travailleurs, la destruction des diplômes entérine un rapport de forces défavorable pour la classe ouvrière.

Vers une école privatisée

La privatisation des services publics représente une manne non négligeable pour les capitalistes. La privatisation du soutien scolaire a été opérée par une baisse de moyens pour l’école publique et un soutien économique (à travers des crédits d’impôts) aux entreprises telles que Acadomia et Complétude qui réalisent à elles deux plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011. Parallèlement, l’État et les collectivités territoriales financent chaque année les écoles privées, tout en déplumant l’école publique. On assiste à la privatisation programmée des universités avec la LRU, l’autonomie et l’introduction de financements privés pour les filières et les laboratoires de recherche.

Enfin, sous prétexte d’économies, ceux qui veulent nous faire payer la dette organisent la dégradation des conditions de travail de tous les personnels de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les suppressions de postes accentuent la charge de travail de ceux qui restent. Les contrats précaires se généralisent. Les statuts de ceux qui sont fonctionnaires sont sur la sellette. Les personnels sont mis au pas avec le développement de techniques de management, l’autonomie des établissements, et la répression (sanctions économiques, mutations forcées) comme dans le cas des désobéisseurs contre le fichage des élèves.

La crise, la dette légitiment d’autant plus les politiques menées depuis dix ans. Quel que soit le gouvernement issu de 2012, c’est l’austérité qui attend les salariés et l’école publique.

Dans la campagne présidentielle, on parle de service public d’éducation, mais on se demande au service de qui ? Les patrons, la nation ? Ni chez Sarkozy ni chez Hollande, une éducation émancipatrice pour les jeunes n’est au programme. L’UMP veut avancer l’orientation et la sélection des élèves, allonger le temps de travail et la précarisation des personnels, accentuer l’autonomie et la concurrence entre établissements. Le PS quant à lui, au-delà de ses déclarations sur les postes (qui sont du redéploiement et non de la création), ne propose qu’un lifting des réformes de l’UMP, sans les remettre en cause fondamentalement.

Pour nous l’éducation publique doit être au service de l’émancipation des jeunes, pas des patrons.

Notre programme d’urgence pour l’éducation

L’école est frappée de plein fouet par la crise sociale : augmentation du nombre de chômeurs, de la précarité, crise du logement... Ainsi le service public d’éducation ne pourra pas, à lui seul, résoudre les problèmes relevant des inégalités sociales. Il sera nécessaire de réquisitionner les logements vides et de construire massivement des logements, d’augmenter les transports collectifs, d’interdire les licenciements, pas un revenu inférieur à 1700 euros, d’assurer une allocation d’autonomie pour tous les jeunes à hauteur du Smic, la gratuité des soins, de l’éducation, des transports... Néanmoins, l’école ne doit pas creuser les inégalités.

Ainsi, nous sommes pour un service public de la petite enfance et nous voulons porter la scolarisation obligatoire à 18 ans, sans division de filières, de manière à assurer l’émancipation de tous les jeunes, via une véritable formation pluridisciplinaire et polytechnique.

C’est dans cette même logique qu’il faut, de notre point de vue, totalement revoir l’orientation des jeunes. Actuellement, la violence de l’orientation imposée aux élèves, sélective et élitiste, est le reflet de la violence de notre société basée sur l’exploitation des travailleurs au profit d’une petite élite. La hiérarchisation des filières de lycées est une expression d’une hiérarchisation sociale entre les différentes professions.

Au-delà des mesures sociales évoquées plus haut, nous sommes pour une éducation sans concurrence, sans note et sans classement. Pour que les élèves puissent vraiment choisir une formation professionnelle qui leur correspond, il faut d’abord qu’ils aient le même accès à une culture commune. Cela nécessitera la réorganisation démocratique des enseignements et des programmes afin que tous les élèves coopèrent pour acquérir des savoirs émancipateurs.

De plus, les formations professionnelles doivent rester dans le cadre du service public. Nous nous battons contre les formations gérées par les Chambres de commerce et d’industrie qui cherchent à offrir la main-d’œuvre la plus adaptée à leurs entreprises sans prendre en compte l’intérêt des élèves.

Enfin, une école émancipatrice ne saurait nier le droit des élèves à leur libre expression, à leurs droits d’organisation et de manifestation. Cela implique qu’ils aient les moyens de ces expressions : locaux, matériels d’écriture et d’impression et panneaux d’affichages.

Mais l’école émancipatrice que nous voulons ne peut accepter la dégradation des conditions de travail de ses personnels.

Nous restons favorables à l’idée qu’il faut des moyens à hauteur des besoins. Dans ce cadre, si nous sommes bien sûr pour l’abrogation de la RGPP qui supprime un poste sur deux de fonctionnaires partant à la retraite, nous sommes également pour un plan massif de création de postes qui permette une diminution des effectifs : pas plus de 20 par classe et 15 en maternelle.

Cela passera d’abord par le rattrapage immédiat des 100 000 postes supprimés, mais aussi par la titularisation de l’ensemble des précaires. Cela passera ensuite par la réduction du temps de travail : douze heures devant les élèves des premier et second degrés afin de dégager un temps indispensable à la coopération et à l’échange au sein des personnels des écoles : enseignants, personnels médical, social, technique, ainsi que la limitation du nombre de jeunes dont doit s’occuper un enseignant (80 pour les enseignants, 250 pour les CPE et psychologues...).

Ainsi, le personnel médical et social dans les écoles et les établissements doit être significativement revu à la hausse. En effet, rien ne sert de parler de malaise des jeunes, de violence présumée en augmentation si dans le même temps on mène une politique de destruction massive des cadres essentiels à la prévention, à l’écoute, au remède. Nous sommes évidemment pour la mise en place immédiate d’une médecine du travail.

Enfin, les conditions de travail se dégradent également du point de vue du rapport des personnels au métier.

Nous sommes pour une formation initiale combinant une formation pédagogique, psychologique, liées aux travaux de la recherche, des mouvements pédagogiques et didactiques, ainsi qu’une mise en pratique progressive et accompagnée des classes.

Le préalable étant le retrait immédiat de la réforme sur le recrutement et la formation des enseignantEs.

Enfin, de même que nous contestons la mise en concurrence des élèves, nous le dénonçons également pour les collègues. C’est pourquoi nous sommes pour le retrait du nouveau mode d’évaluation qui accentue le lien évident entre l’avancement de carrière et ses conséquences sur le salaire, au profil de l’enseignant à savoir : si on agit ou non en bon fonctionnaire d’État. Nous refusons la caporalisation des enseignantEs, à laquelle nous opposons la liberté pédagogique en vue de l’émancipation de tous les jeunes.

Comment obtenir ce que nous voulons ?

Pour mettre en place ce programme, il faut une rupture nette avec la gestion capitaliste de la crise. Par exemple, les moyens existent pour embaucher 100 000 personnels, si on arrête maintenant de payer la dette (soit 45 milliards d’euros pour les seuls intérêts, en 2011). Pour appliquer notre programme, cela demande d’affronter la politique libérale de Sarkozy ainsi que la politique d’austérité promise par Hollande. C’est-à-dire une rupture avec le système actuel.

Le secteur de l’Éducation nationale s’est mobilisé tous les ans depuis 2002 contre ces politiques. Aujourd’hui des collègues s’emparent de tous les moyens à leur disposition pour résister aux réformes (désobéisseurs, refus de remplir le livret de compétence ou de mettre en place des aspects de la réforme du lycée...). Nous pensons que c’est par une mobilisation d’ensemble que nous arriverons à chasser ces politiques destructrices. Cela signifie une grève massive du secteur, qui arrive à entraîner d’autres secteurs sur des mots d’ordre communs, tels que:

- l’interdiction des licenciements et l’embauche massive, combinées à une titularisation de tous les précaires.

- L’augmentation des salaires de 300 euros net et un Smic revalorisé à 1700 euros, combinés à une baisse du temps de travail.

- Au-delà, des mots d’ordre spécifiques à notre secteur touchent également toute la population.

- Un service public d’éducation obligatoire de 2 à 18 ans, mettant en avant une culture commune.

- Une allocation d’autonomie pour tous les jeunes pour qu’ils puissent vivre et faire des études à leur rythme.

- Une reconnaissance totale des droits des lycéens.

Aujourd’hui, il faut remettre notre secteur sur les rails pour en finir avec les coups de boutoir portés par Sarkozy et pour se préparer face aux mauvais coups à venir. Nous proposons à toute la gauche, aux syndicalistes, aux personnels et aux jeunes, de préparer les prochaines luttes, de se retrouver pour une journée de grève, qui en appellera d’autres, pour construire une mobilisation générale et gagner une école au service de touTEs, pour l’émancipation de touTEs les jeunes.  

Arrani Engraive, commission Éducation nationale de la région parisienne