Le documentaire Victor Serge l’insurgé, réalisé par Carmen Castillo, sera diffusé sur France 5, dimanche 25 mars à 22 heures.Victor Kilbatchiche (Victor Serge), né en 1890 et mort en 1947, est l’une des grandes figures de la lutte révolutionnaire du siècle dernier. Il est proche, dans sa jeunesse, des anarchistes de la bande à Bonnot, notamment de Raymond Callemin (Raymond la Science), il a pour amie l’anarchiste Rirette Maitrejean. Malgré ses protestations, il est condamné par la justice française pour une supposée participation à leurs exploits. Il est curieux de constater que c’est là un destin qui le poursuivra tout au long de sa vie : il sera accusé par les staliniens d’être un traître, puis par des surveillants tatillons d’être en réalité un agent stalinien… Peu de temps avant sa mort, il est même soupçonné d’être gaulliste…
En 1919, il rejoint la révolution russe, travaille pour le Komintern comme journaliste et traducteur, rencontre Gorki, Pierre Naville, Gérard Rosenthal, Nikos Kazantzakis, Panait Istrati. Il désapprouve la répression des marins de Cronstadt. Il rejoint en 1923 l’Opposition de gauche, Trotsky, Radek, Preobajensky, Joffe. Il semble que c’est alors qu’il emploie – pour la première fois – le mot « totalitarisme » pour désigner le stalinisme.
En Europe, Victor Serge rencontre Lukacs, Gramsci, et rentre en URSS en 1925. Trotsky est exclu en 1927, lui en 1928. Arrêté en 1933, il fait trois ans de camp à Orenbourg. Il en est libéré en 1936 à la suite d’une campagne internationale (Gide, Romain Rolland…). Il rejoint Trotsky dans son exil, puis se sépare de lui.
Ses nombreux livres et essais sont régulièrement réimprimés (Seuil, La Découverte, Robert Laffont…). Signalons, parmi bien d’autres, les Mémoires d’un Révolutionnaire ou le roman l’Affaire Toulaev, dans lequel il décrit l’affaire Kirov, un des plus célèbres « procès » staliniens.
Carmen Castillo s’est battue contre Pinochet, puis est venue travailler en France ; on se souvient de Rue Santa Fe, film où elle raconte son expérience de lutte, qu’elle revit en allant sur place… Dans les contraignantes 55 minutes de l’émission TV, elle nous raconte la vie de Victor Serge, sans cacher les liens idéologiques qu’elle a avec ce grand révolutionnaire. Une longue interview de Régis Debray contribue à le situer. Les nécessités de la production ont sans doute entraîné une carence : que peut signifier l’engagement de Serge, aujourd’hui, si on parle d’immigrés, de sans-papiers etc. ? Il semble que Carmen Castillo aurait aimé aborder aussi ces questions-là… Mais tel quel, le film est passionnant : que savent les jeunes générations de cette grande figure ? Remercions Carmen Castillo de rallumer le feu du souvenir… incarné aussi par ces images finales du vieux peintre – le fils de Victor Serge.
Paul Louis Thirard