Il y a près de 96 ans, s’est tenu à Tours le dix-huitième congrès du Parti socialiste, qui marqua l’acte de naissance du PCF.
Le 29 décembre 1920, 70 % des délégués votent l’adhésion à la Troisième Internationale – ou Internationale communiste – fondée par les dirigeants de la révolution russe. Cette scission renvoie à deux événements majeurs : l’attitude du Parti socialiste (alors dénommé SFIO) face à la guerre et l’impact de la révolution russe.
La faillite de la sociale démocratie
Après l’assassinat le 31 août 1914 de Jaurès, principal figure du Parti socialiste, et dès la déclaration de guerre (le 3 août), au mépris des positions antérieures, les députés socialistes votent les crédits pour la guerre, et des dirigeants socialistes entrent au gouvernement.
L’autre grand déterminant est constitué par la révolution russe. Pour les partisans de l’adhésion à la nouvelle Internationale créée par les bolcheviks en mars 1919, l’enjeu n’est pas seulement de gagner une majorité des socialistes à cette perspective, mais surtout de transformer radicalement et en profondeur le parti pour rompre avec certaines racines de l’opportunisme comme l’autonomie des parlementaires par rapport à la direction du parti. Lorsque le congrès commence, les résultats des votes des militantEs sont connus : une large majorité s’est prononcée pour l’adhésion.
L’aspiration à rompre avec le passé est réelle, mais la vie du nouveau parti est difficile. La SFIO maintenue conserve une influence électorale plus importante, des conflits ravagent la direction issue de Tours… Une nouvelle direction du PC est mise en place qui s’emploie à transformer radicalement l’organisation à travers la « bolchévisation » (création de cellules d’entreprises, sélection d’un appareil permanent d’origine ouvrière, etc.). Une des manifestations les plus visibles du caractère révolutionnaire du PC est le développement d’une propagande antimilitariste et en 1924 le lancement d’une campagne acharnée contre la guerre coloniale menée par la France au Maroc.
Mais rapidement vont se faire sentir les conséquences de la stalinisation de l’Union soviétique. L’héritage d’Octobre 1917 et la défense de l’URSS contre les menées impérialistes vont être identifiés à la soumission totale à la direction soviétique. Le régime intérieur du parti est calqué sur le régime disciplinaire du PC soviétique. Les divergences internes sont assimilées à des menées de l’ennemi.
La férule de Staline
À partir de 1928, la direction du PCF va devoir s’aligner sur la politique sectaire et ultragauchiste de la « Troisième Période » : les dirigeants socialistes sont qualifiés de « sociaux-fascistes » et toute politique de front unique est rejetée. Cette politique isole le PCF : entre 1927 et 1931, ses effectifs chutent de 55 000 à 25 000 et aux élections législatives de 1932, il tombe à son plus bas niveau (6,8 %).
Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, les dirigeants soviétiques font un virage brutal : c’est à partir de 1934 la mise en route de la politique des Fronts populaires. Le PCF, dirigé depuis 1930 par Maurice Thorez, conclut une alliance non seulement avec les socialistes mais également avec le parti radical, qui, bien que « de gauche », est un des principaux partis de la bourgeoisie. Le PCF met des bémols à son antimilitarisme et à son anticolonialisme et le 11 juin 1936, Maurice Thorez déclare : « Il faut savoir terminer une grève ». Dans la foulée du Front populaire, le PCF devient un parti de masse et gagne de nombreux députés. Il devient un parti « national » tout en restant complètement aligné sur l’URSS, ce qui parfois ne va pas sans difficultés.
L’intégration nationale
Après un passage difficile au début de la guerre (notamment du fait du pacte germano-soviétique de 1939 et de son interdiction), sa participation massive à la Résistance et le courage de ses militantEs vont encore renforcer le PCF, de 370 000 adhérents en décembre 1944 à 800 000 à la fin de 1946. Aux élections de novembre 1946, il prend la première place, avec 28,6 % des suffrages.
Durant la guerre et au sortir de celle-ci, en accord avec l’URSS, il a choisi l’alliance avec de Gaulle, et, de fait, sa subordination à celui-ci. Il se bat pour le retour à l’« ordre républicain », Thorez lançant le mot d’ordre « une seule armée, une seule police, un seul État ». Des communistes occupent des postes ministériels et endossent notamment la politique répressive dans les colonies (comme les massacres de Sétif en mai 1945).
Un nouveau tournant surviendra en 1947 pour des raisons à la fois nationales et internationales. Les travailleurs rejettent la politique gouvernementale qui « reconstruit la France » sur leur dos, et une grève massive commence chez Renault, à l’initiative notamment de militants révolutionnaires trotskistes. Dans le même temps, l’alliance entre l’URSS et les pays capitalistes se rompt : c’est le début de la « guerre froide ».
Henri Wilno