Entretien. Sotiris Martalis (DEA / Unité populaire).
Quel bilan tires-tu depuis la victoire électorale de Syriza en janvier ?
Les deux dernières années, les luttes ouvrières, les grèves, ont reculé par rapport à la période 2010/2012. Les travailleurs, qui avaient réussi à renverser deux gouvernements, n’avaient pas réussi à renverser l’austérité. Ils se sont emparés de l’outil que représentait le vote Syriza. La classe ouvrière et la population en général ont ensuite attendu de voir ce que ce gouvernement allait faire. Un argument qui revenait souvent dans les discussions populaires était que si le gouvernement remplissait un quart de ses engagements, cela serait déjà bien.
Il y a eu des grèves, des mobilisations, comme celle concernant les mines d’or de Chalcidique, mais pas une grande activité ces six derniers mois. Cela a été un problème pour l’aile gauche de Syriza qui se battait pour que le gouvernement maintienne les positions et les engagements pris avant l’élection.
Chacun voit bien l’erreur colossale qu’a représentée la ligne du gouvernement : 7,5 milliards d’euros ont été payés aux créanciers. Ainsi le gouvernement a étranglé toutes les ressources sociales disponibles, ressources qui auraient dû être destinées à la Santé, à l’Éducation... Lorsque les créanciers ont étranglé le pays avec les exigences avancées pour un nouvel accord, la direction de Syriza a considéré comme inacceptable que la gauche du parti ne soutienne pas la position d’acceptation de l’accord. Pour Tsipras, la porte de sortie a été le référendum du 5 juillet.
La gauche de Syriza, les groupes d’Antarsya, mais aussi beaucoup d’autres, ont mené la bataille du Non. Le résultat a été une deuxième immense victoire de la classe ouvrière avec 62 % de voix. Le message était clairement le rejet de l’austérité et le refus d’accepter le nouvel accord, le nouveau mémorandum. La majorité de Syriza, le gouvernement, changèrent à 180° de position, en réunissant dès le lendemain les leaders des partis de la bourgeoisie, pour soutenir un nouveau mémorandum avec les créanciers. Cela a ouvert une crise ouverte au sein de Syriza.
Avec sa démission et en provoquant ainsi des élections anticipées, le but de Tsipras est d’en finir avec la quarantaine de députés de Syriza opposés au mémorandum, pas seulement la Plateforme de gauche, mais aussi le groupe 53+ (la gauche de la majorité du comité central du Syriza).
Maintenant s’ouvre la discussion dans toutes les branches locales de Syriza. Tous les jours, nous recevons sur notre site des centaines de démissions de Syriza, de la part de membres en désaccord avec la ligne de Tsipras. Toute la question est d’arriver à organiser maintenant toutes ces forces dans l’Unité populaire. L’étape suivante sera la formation réelle de l’Unité populaire, dans un cadre à définir – front, coalition ou fédération –, dans la foulée de l’appel contresigné par 13 porte-paroles d’organisations de gauche parmi lesquelles une partie d’Antarsya (ARAN, ARAS, une partie de NAR). Au-delà, d’autres organisations et un grand nombre de militants de gauche comprennent l’importance de s’organiser ensemble.
Quelles seront les bases politiques de ce mouvement ?
Les points clefs sont d’être contre le troisième mémorandum et l’austérité ; de cesser le paiement de la dette, et annuler la plus grande partie de celle-ci ; d’être contre les privatisations et et de revenir sur les privatisations déjà mises en œuvre ; de nationaliser et mettre sous contrôle public le système bancaire.
La question de l’euro n’est pas la réponse en soi, la classe dirigeante peut elle-même changer de monnaie. La vraie question est « qui va payer ? ». Aussi, nous combinons la question de la monnaie avec le refus de l’austérité. Nous ne reculerons pas dans le combat contre l’austérité à cause de l’euro. C’est la meilleure façon d’obtenir un soutien populaire à une large échelle car les travailleurs veulent en finir avec l’austérité.
Que peut-on dire de la situation actuelle de Aube Dorée ?
Aube Dorée a reculé ces derniers mois, stoppé les attaques de rue et les assassinats. Ils sont sous la menace des condamnations pénales en tant qu’organisation criminelle. Ils essaient de se donner une image légaliste, mais il ne faut pas stopper le combat contre les nazis. Nous continuerons le combat pour qu’ils soient condamnés.
Dans ce contexte, quelle est la situation de DEA ?
Nous avons gagné une nouvelle crédibilité. Avec le réseau Red Network, les positions de DEA ont été perçues comme correctes et cohérentes ces derniers mois et beaucoup veulent travailler avec nous au sein de l’Unité Populaire. À cette nouvelle étape, nous avons réussi à avoir beaucoup plus de force.
Propos recueillis par Léon Crémieux