Le débat sur l’Europe est incontournable, il s’impose dans la campagne et donne lieu à bien des contorsions, tant à droite qu’à gauche, entre Europe et nationalisme. Le mythe d’une Europe protectrice face à la mondialisation et à la crise s’est effondré. Elle apparaît aux yeux du plus grand nombre comme responsable du recul social, de l’austérité. Et c’est bien en luttant contre cette austérité et toutes les régressions sociales avec tout ceux qui résistent aujourd’hui que naîtra une nouvelle Europe démocratique des travailleurs et des peuples !
Face au mécontentement grandissant des peuples, les politiciens, fervents défenseurs du traité de Lisbonne, cherchent une autre façon de faire… illusion. Nos illusionnistes tentent de défendre à la fois l’Europe et la nation dans une grande cacophonie. Sarkozy est sans aucun doute un des plus talentueux pour dire une chose et son contraire. Le culot et le cynisme ont chez lui valeur d’argument. Ainsi veut-il « réconcilier la France du oui et la France du non » ! Le président candidat a trouvé la solution en combinant ses prétentions à imposer la règle d’or de l’austérité à la dénonciation de l’Europe de Schengen au nom de la lutte contre l’immigration en flattant les préjugés xénophobes. Sarkozy menace de se retirer des accords de Schengen pour se replier sur les frontières nationales.
L’Europe de « la libre circulation dans l’UE est un bien précieux […] et l’une de [ses] réalisations les plus concrètes » répondait un porte-parole du gouvernement Merkel à Sarkozy. Cette Europe n’a jamais réellement existé, et aujourd’hui l’austérité généralisée associée aux tentations de repli national lui donne un visage bien loin des prétentions progressistes, un visage réactionnaire, celui de l’Europe du chômage et de la précarité, l’Europe de la régression sociale et démocratique.
Non à la ratification de la règle d’or !
Face à la crise de la dette publique qui, partie de Grèce, se répand à toute l’Europe malade, Sarkozy et Merkel ont engagé une offensive pour faire subir à l’ensemble des peuples de l’Union européenne un traitement drastique. Pour cela, ils ont mis en place le Mécanisme européen de stabilité (MES) adopté le 30 janvier 2012, et le TSCG dit aussi «pacte budgétaire», le «Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire », signé lors du Conseil européen des 1er et 2 mars, par les chefs d’État et de gouvernement. Il devra être ratifié d’ici l’été par les différents États membres.
Le MES sera, comme le FMI, une institution financière internationale et prêtera donc des fonds aux États. Sa mise en fonction est directement conditionnée à celle du TSCG qui veillera à l’application de la règle d’or de l’austérité. Aux 60 % du PIB, montant maximum de la dette publique autorisée, aux 3 % du PIB, maximum autorisé de déficit budgétaire, va se rajouter cette fameuse « règle d’or », qui indique que « le budget général devra être équilibré ou en excédent ». Cette règle devra être intégrée « par le biais de dispositions contraignantes et permanentes ». C’est la Commission européenne qui veillera à son application.
Cette politique amplifie les effets de la crise de la dette. Dans une Europe où chaque pays est dépendant des autres, cette politique d’austérité généralisée ne peut mener qu’à la récession dont on enregistre les premiers symptômes. Cette récession conduira à une réduction des recettes fiscales qui aggravera les déficits. Un cycle infernal est ainsi mis en place qui conduit à une exacerbation des contradictions à l’œuvre et menace l’Europe capitaliste d’éclatement.
Renégocier le TSCG ?
« Le traité est signé, il n’est pas ratifié, il y a donc un espace de négociation », prétend François Hollande. « Je renégocierai le traité de discipline budgétaire non pas seulement pour la France, mais pour l’Europe tout entière ». Renégocier, mais dans quel but ? Il ne s’agit pas de remettre en cause le pacte budgétaire mais simplement de discuter d’un additif pour relancer la croissance. Relancer la croissance tout en se pliant aux politiques d’austérité ? Cela ressemble à un emplâtre sur une jambe de bois à partir du moment où Hollande ne cesse de donner des gages de sa volonté de respecter la discipline du nouveau traité européen.
Par ailleurs, les gouvernements signataires de ce traité ont dit leur refus de toute renégociation. « Je ne serai pas tout seul, parce qu’il y aura des alliés », a répondu Hollande au Cirque d’hiver de Paris lors d’un séminaire, « Renaissance pour l’Europe », auquel participaient ses amis socialistes européens. Ces derniers lui ont apporté un timide soutien. « Si le mouvement se lève en France, il sera irréversible dans toute l’Union européenne » s’est exclamé François Hollande. Sauf que l’on ne voit pas ce que pourraient faire les socialistes au pouvoir à partir du moment où, comme l’ont fait Papandréou en Grèce ou Zapatero en Espagne, ils se plient aux exigences des banques, des financiers et des multinationales. Pour eux, relancer la croissance n’a qu’un sens, comme pour la droite : augmenter la compétitivité sur le dos des salariés et de la population. Une impasse.
Réformer les traités européens ?
Jean-Luc Mélenchon qui, en 2005, avait appelé à voter non au référendum sur le traité constitutionnel européen (TCE), entend, lui, remettre en cause le traité de Lisbonne et dénoncer le Pacte budgétaire. Il veut réformer les traités en vue d’une « autre Europe » fondée sur un « socle populaire, social et solidaire ». Il plaide pour une régulation économique et financière à l’échelle européenne par une réforme de la BCE qui doit être « contrôlée démocratiquement » et « doit prêter directement à 1% aux États, ce qui éteindra la spéculation ».
Il s’oppose à la règle d’or budgétaire et souhaite « imposer une autre politique monétaire : l’euro ne peut rester cette monnaie forte qui pénalise notre économie ». Sans oublier au passage d’entonner lui aussi la sinistre chanson du nationalisme : « c’est la puissance économique dominante dirigée par les conservateurs allemands qui a donné le ton et les méthodes avec lesquelles les problèmes seraient réglés… »
Cette démarche ambiguë voudrait éliminer les aspects les plus aberrants de la dictature de la finance mais elle reste impuissante, refusant de remettre radicalement en cause la domination des banques et de la finance. Une autre Europe ne peut se construire que sur le socle de l’expropriation des banques et la mise en place d’un service public bancaire sous le contrôle des peuples.
La sortie de l’euro ou la démagogie chauvine de Marine Le Pen
À la faveur de la crise et de la montée du mécontentement, comme de l’impuissance de la gauche, se développe à travers toute l’Europe un populisme d’extrême droite, un national populisme contre « une Europe qui se construit contre les peuples ». Au nom de la souveraineté nationale présentée comme la vraie protection face à la mondialisation, Marine Le Pen défend la sortie de l’euro, l’héritage des valeurs chrétiennes contre l’immigration et les populations musulmanes, dénonce une Europe technocratique « totalitaire » qui s’oppose à l’Europe des peuples, une Europe « cheval de Troie » du mondialisme. Contre l’Europe cosmopolite, Le Pen rentre en croisade contre l’immigration. Cette mauvaise soupe pimentée de tous les préjugés réactionnaires flatte les frustrations et les peurs sans remettre en cause d’une quelconque manière les véritables responsables de la crise. Pariant sur l’effondrement de l’Europe, elle ne prépare pour les travailleurs et les classes populaires qu’une prison pour les contraindre à se plier aux exigences des classes dominantes. Elle les divise, les dresse les uns contre les autres pour le plus grand profit de leurs exploiteurs.
L’Europe, arène des luttes des travailleurs et des peuples
Contre ces fossoyeurs de l’Europe, nous sommes avec ceux qui résistent, Indignés espagnols ou révoltés grecs, travailleurs de partout, pour rejeter l’austérité, les réformes libérales, la casse des salaires et des droits sociaux. Voilà un programme commun pour toute l’Europe ! Ceux qui résistent aujourd’hui sont en train d’inventer une nouvelle Europe, qui naîtra en se débarrassant de la dictature du profit privé.
En effet, l’Europe, dès le départ, n’a été conçue que comme un grand marché unifié pour les grandes entreprises industrielles et financières, à commencer par celles des pays les plus puissants, comme la France et l’Allemagne. Résultat ? Le capitalisme européen nous rend malades des mêmes absurdités que partout ailleurs dans le monde, à force d’écraser les salaires et de tout financiariser à outrance.
L’Europe que nous voulons, c’est une Europe de la solidarité et de la coopération, une Europe démocratique des travailleurs et des peuples ! Nous proposons « un plan d’urgence pour l’Europe ». Une véritable Europe démocratique signifie pour chaque peuple le droit à sa langue, à sa culture, le droit de choisir ses institutions ; c’est-à-dire, de façon générale, le droit de décider de son destin. Elle permettrait de planifier démocratiquement la production et les échanges avec le souci permanent de préserver la nature et l’environnement. Elle affirmerait l’égalité absolue entre les hommes et les femmes, l’égalité des droits des étrangers et le premier entre tous : le droit du sol ! Nous continuerons à nous battre contre l’Europe forteresse pour la régularisation et le droit d’installation de tous les sans-papiers, l’égalité des droits sociaux et politiques.
Yvan Lemaitre