Entretien. Avec les politiques de mise au pas du gouvernement Attal et face au danger de l’extrême droite, les jeunes se sont beaucoup mobiliséEs lors des élections législatives de l’été. Parmi les organisations de jeunes avec qui les Jeunesses Anticapitalistes du NPA ont discuté à la fête de l’Huma, RED-jeunes sur lequel Léa Chapey fait le point.
Comment est né RED-Jeunes et que défend-il aujourd’hui ?
RED-Jeunes est né en 2021 d’une initiative de jeunes communistes du Val-de-Marne qui, se sentant trop enferméEs par les lignes du PCF d’une part mais également par la nature de l’organisation de jeunesse liée à un parti, ont cherché à s’auto-organiser, à fonder une organisation indépendante et tournée vers l’action de terrain et la solidarité.
La campagne fondatrice de RED reposait sur la revendication du droit de vote à toutes les élections pour les étrangerEs.
Nous considérons que chaque personne qui vit en France, contribue par son travail, ses engagements, simplement sa présence, à la vie et au développement du pays, doit pouvoir être représentée politiquement et participer au débat public également par la voie électorale. Cette campagne veut aussi lutter contre l’idéologie qui distingue des « Français de souche » des « Français de papiers » et qui justifie de priver certainEs de droits fondamentaux, de les tenir éloignéEs de la vie politique du pays. Il était question, dans le cadre d’une organisation plus libre de parole et d’action, de porter un sujet qui est ignoré aussi par les partis politiques de gauche, de mettre notre camp face à ses manquements.
Depuis, RED-Jeunes a mené plusieurs campagnes nationales, contre le contrôle au faciès notamment, et des actions de solidarité, à chaque Noël par exemple.
Également, parce que nous croyons que la politique doit d’abord se faire au plus proche du terrain et de ses particularités, chaque section est libre de mener ses campagnes particulières et de s’investir sur les sujets qui tiennent à cœur des militantEs.
L’ADN de RED-Jeunes est celui-là : l’auto-organisation, la politisation par l’action concrète et l’éducation populaire, la solidarité et l’entraide, l’antiracisme, le communisme, le féminisme intersectionnel et matérialiste.
Quelle a été votre position par rapport au Nouveau Front populaire cet été ?
La lutte contre l’extrême droite est aujourd’hui le vecteur d’engagement premier chez les jeunes. Nous soutenons et nous soutiendrons toutes les actions et alliances qui permettront de faire reculer l’extrême droite, de l’endiguer dans les institutions et dans la rue.
Le Nouveau Front populaire a été construit face à l’urgence et a été l’occasion de rassembler au-delà des partis, là où la Nupes a péché. La gauche ne pourra pas se reconstruire et reconquérir le pouvoir sans toutes ses composantes, syndicats, organisations militantes, associations de solidarité, partis politiques... RED-Jeunes fait partie du Nouveau Front populaire et a fait sa part pour le faire vivre cet été.
Quelles campagnes menez-vous et avec qui travaillez-vous ?
La rentrée, d’autant plus quand elle suit une période d’effervescence politique au niveau national, doit être un moment de refonte de la stratégie de nos organisations.
Avec RED, nous souhaitons prendre notre part dans la bataille politique, en inscrivant notre action au plus près du quotidien et des lieux de vie des personnes. Cette année sera marquée, pour notre organisation, par le terrain, le local. Notre objectif est de bâtir dans les quartiers populaires exposés aux idéologies néolibérales et aux violences fascistes, des espaces de solidarité et d’apporter des billes de compréhension du monde social.
C’est sur le terrain que nous co-construisons la réflexion politique.
C’est avec les acteurs de terrain, les maisons de quartier, les militantEs qui se battent parfois contre des mairies de droite pour faire vivre la vie sociale là où elle n’existe plus que nous nous inscrivons. Et surtout avec les jeunes qui y vivent. C’est eux que nous allons voir notamment dans le cadre de notre campagne contre le contrôle au faciès.
Depuis une année nous travaillons sur cette campagne dans le 95, le 92, le 78, le 93, le 94, à Lille, à Paris, et bientôt dans de nouvelles agglomérations. Nous recueillons les témoignages des premierEs concernéEs et surtout, nous accompagnons les jeunes dans la compréhension des systèmes d’oppression et de dominations derrière ces contrôles et dans la politisation de leurs vécus et de leurs existences.
Nous portons également une pétition pour remettre à l’ordre du jour une proposition : le récépissé des contrôles d’identité. Une proposition d’apparence simple mais une première étape fondamentale pour documenter ces pratiques discriminatoires et pouvoir ensuite les combattre efficacement par la loi en engageant la responsabilité de l’État.
Tu as participé à la table ronde du NPA-l’Anticapitaliste à la fête de l’Huma avec d’autres organisations sur la mise au pas de la jeunesse par Macron et le gouvernement Attal. Quelles perspectives en as-tu retirées ?
Lors de ce débat nous avions à cœur de questionner cette notion de jeunesse. Qu’est-ce que « la jeunesse » ? Au singulier ça ne peut être qu’une catégorie dépolitisante qui regroupe un ensemble de personnes qui n’ont rien d’autre en commun que leur classe d’âge, et de réduire leur engagement à des questions étudiantes ou lycéennes. Sans remettre en cause la validité de ces luttes, nous nous donnons le rôle de rappeler à certaines organisations que les jeunes ne sont pas que ceux-là. « Les jeunesses », au pluriel, a plus de sens.
Est-ce que « la jeunesse » existe ? La question vise à provoquer mais également à mettre en lumière une réalité : certaines personnes ne bénéficient jamais de cette identité de « jeunes ». CertainEs, car ils sont noirEs, arabes, gays, lesbiennes, trans, habitantEs de quartiers populaires marginalisés et victimes du harcèlement policier, ou tout à la fois, sont confrontés à des problématiques et des violences qui dépassent celles propres à la « jeunesse » comme on l’entend. Plus encore, ces mêmes personnes ne sont pas reconnues comme jeunes et ne jouissent pas, s’ils existent (et ils existent de moins en moins), des bénéfices et excuses de jeunesse de la part des autorités qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne, la police, les agents administratifs, les employeurs…
Cette table ronde nous a permis, avec des syndicats lycéens et étudiants et les Jeunes anticapitalistes du NPA d’avoir cette discussion et de comprendre là où on pouvait s’apporter, se compléter dans nos actions.
Il y a autant d’organisations de jeunesses qu’il y a de jeunes et de lieux où ils se trouvent. Et puisque les identités sont complexes, qu’un jeune n’est jamais qu’unE lycéenNE, qu’unE habitantE des quartiers populaires, qu’une victime des violences policières, qu’un étudiant en quête d’éducation politique, que les luttes sont tout aussi complexes, nous devons travailler ensemble.
Propos recueillis par la rédaction