Entretien. Dans une allocution le 11 janvier, Emmanuel Macron annonçait une « stratégie nationale » de lutte contre l’endométriose. Dans la foulée, le 13 janvier, une résolution en faveur de la prise en charge de l’endométriose reconnue comme une affection longue durée (ALD) a été adoptée à l’Assemblée nationale. Au regard de cette actualité, nous avons rencontré Chloé, 27 ans, atteinte d’adénomyose (endométriose interne à l’utérus), qui nous parle de son parcours.
Est-ce que tu peux nous rappeler ce qu’est l’endométriose ?
L’endométriose est une maladie gynécologique qui touche environ une femme sur dix. Elle concerne en priorité le système gynécologique mais aussi d’autres organes du système urinaire, du système digestif et également des organes plus éloignés. Il y a par exemple des cas d’endométriose thoracique avec des lésions pulmonaires. Concrètement ce sont des cellules endométriales, pas tout à fait semblables aux cellules de l’endomètre mais ayant le même fonctionnement, qui se situent ailleurs dans le corps. Ces cellules vont s’enflammer et entrainer différents symptômes. En général on retrouve des douleurs gynécologiques pendant ou en dehors des règles notamment pendant les rapports sexuels. On retrouve aussi des règles abondantes voire hémorragiques et l’infertilité qui amène souvent les femmes à consulter. C’est une maladie encore difficile à expliquer, des recherches sont en cours pour établir son origine et son fonctionnement exact.
Quelles sont les conséquences de l’endométriose sur la vie des femmes ?
Les conséquences sont d’abord les symptômes en eux-mêmes, avec des douleurs qui peuvent être invalidantes, jusqu’à entrainer parfois des pertes de connaissance. Elles nécessitent de prendre des traitements antidouleur assez forts qui ont eux-mêmes des effets secondaires non négligeables. Ces douleurs peuvent s’accompagner de fatigue importante. Dans les cas où la maladie est à un stade sévère, cela peut entrainer des difficultés dans la vie intime au niveau de la sexualité, mais aussi dans la vie professionnelle (jusqu’à l’impossibilité de travailler) et quotidienne qui demande une adaptation en permanence. C’est une maladie qui prend toute la place, que ce soit dans la gestion des douleurs mais aussi des multiples rendez-vous médicaux. L’infertilité est aussi un problème majeur qui amène les femmes à se diriger vers un parcours de PMA qui peut être long et laborieux.
Quel a été ton parcours pour avoir un diagnostic ?
Mon parcours a été le même que pour beaucoup. Dans un premier temps, des douleurs importantes à propos desquelles aucun professionnel de santé ne m’a jamais interrogée. Je me posais peu de questions, j’essayais d’apprendre à faire avec. Finalement c’est quelqu’un de mon entourage qui m’a parlé de l’endométriose et m’a encouragée à consulter. Ça a été le point de départ d’un parcours long avec des consultations auprès de nombreux gynécologues, certains balayant d’un revers de la main mes interrogations. Jusqu’à ce que mon médecin traitant me prescrive une IRM grâce a laquelle un gynécologue a pu me diagnostiquer de l’adénomyose, sorte d’endométriose située dans la paroi utérine.
Il faut comprendre que même si le diagnostic est une étape cruciale dans la prise en charge, et qu’il faut améliorer les délais et ne plus avoir autant de retards et d’errances pour les malades, une fois ce diagnostic obtenu cela ne veut pas dire qu’on a trouvé la solution à nos problèmes et qu’on va accéder à une prise en charge adaptée. Personnellement le gynécologue qui m’avait reçue n’était pas spécialiste de la question. J’ai dû me diriger ensuite vers un spécialiste, avec des délais d’attente importants, car il y a assez peu de spécialistes de l’endométriose en France. Il faut ensuite trouver le traitement adapté sachant qu’on ne sait pas encore complètement comment évolue cette maladie. Trouver un traitement prend du temps et demande d’en essayer plusieurs. Cela peut passer par des opérations chirurgicales avec plus ou moins de risques de récidives, des lésions pouvant se manifester plus tard. Il n’y a pas de consensus scientifique sur la prise en charge de l’endométriose, par exemple sur les traitements hormonaux qui peuvent être efficaces sur les douleurs mais pas sur l’arrêt de la progression de la maladie.
Que penses-tu de la « stratégie nationale » d’Emmanuel Macron concernant la lutte contre l’endométriose ?
D’abord, il dit que ce n’est pas un problème de femmes mais un problème de société. Je ne vais pas être d’accord avec ça. À mon sens, et pour en avoir discuté avec beaucoup d’autres personnes touchées par l’endométriose, on est beaucoup à se dire que si ce n’était pas un problème de femmes mais un problème qui touchait les hommes également, le monde médical se serait penché depuis bien longtemps sur cette pathologie ! On retrouve des traces de cette maladie depuis l’Antiquité, le fait que ce soit si peu considéré, cette tendance à banaliser la douleur des femmes est en partie liée au fait qu’on accorde peu de crédit à notre parole. Parce que nous sommes des femmes. C’est donc un problème de femmes et de société.
En dehors de ça, les annonces sont plutôt encourageantes et le rapport national contre l’endométriose est prometteur sur la recherche et la formation des professionnels. Macron annonce la création de centres de prise en soin, le rapport fait également mention d’un meilleur parcours diagnostic. Maintenant on a déjà vu ce que ça donne quand Emmanuel Macron annonce une grande cause nationale. Il y a rarement eu des résultats… C’est difficile de se prononcer pour l’instant, il faut que ça suive derrière. On peut aussi se demander si ce programme est réalisable dans la mesure où l’ensemble du système de santé est dans un état catastrophique : pour avoir une bonne prise en charge des patientes il faut aussi des moyens ! C’est paradoxal de faire des annonce comme celles-ci sans parler de la crise que traverse le système hospitalier en ce moment.
Le vote à l’Assemblée nationale est-il une avancée, d’après toi ?
L’inclusion de l’endométriose dans la liste des affections longue durée permettrait le remboursement des soins (rendez-vous médicaux, interventions chirurgicales, traitements, examens). Là encore, il faut que le gouvernement suive, la résolution votée n’a qu’une valeur symbolique pour le moment. Olivier Véran a déjà annoncé y être peu favorable. Cela serait pourtant une mesure importante, très attendue par les patientes et les associations. On attend de voir concrètement ce que ça donne en terme de budget par exemple, au-delà des effets d’annonces pendant la campagne présidentielle !
Quelles sont les revendications des femmes atteintes d’endométriose ? Comment parvenir à gagner sur ces demandes ?
En plus de tout ce que j’ai déjà abordé (la prise en charge des soins médicaux, le développement de la recherche, la mise en place des moyens humains et financiers), il y a un réel besoin d’écoute et de considération de la part du monde médical et de la société en général. Il faut développer des stratégies de sensibilisation et d’information. On ne doit plus entendre qu’avoir mal pendant ses règles ou pendant des rapports c’est normal. Il faut respecter les femmes qui mentionnent ces difficultés pour avancer. Cela passe par le soutien aux mobilisations et aux associations de femmes atteintes d’endométriose !
Propos recueillis par Aurélie-Anne Thos