La grève du 7 mars s’annonce comme une des plus grandes de l’histoire de notre pays. La séquence des vacances scolaires, étalée sur quatre semaines, n’a pas cassé le mouvement. Pendant les deux premières semaines, les manifestations se sont maintenues à un niveau très élevé, malgré les désavantages des journées « saute-mouton », malgré le nombre de jours non payés qui commence à peser sur les porte-monnaie, malgré (ou grâce à) la multiplication d’actions comme la manifestation du samedi, le début de mise en mouvement de la jeunesse.
L’interruption des grèves pendant les vacances scolaires parisienne, remplaçant la lutte par le débat parlementaire n’a pas cassé le mouvement. Il y avait pourtant un risque fort de déplacement vers la droite. Ainsi, le premier appel intersyndical appelant au 7 insinuait qu’il fallait bloquer le pays à partir du 7, organiser des assemblées générales pour discuter des suites, tandis que le dernier est davantage focalisé sur le 7 en lui-même, comme grève carrée. Le débat parlementaire aurait pu renforcer les illusions institutionnelles mais il a produit l’inverse : l’impossibilité de peser à l’Assemblée, le caractère ridicule des débats, l’empêtrement du gouvernement sur les 1200 euros, tout cela a renforcé l’idée que la victoire s’obtiendra par le rapport de forces, pas par les institutions.
De fait, le 7 mars aura été préparé pendant plus de deux semaines, et apparaît comme la grande journée à réussir. À partir de là, il reste une grande hétérogénéité dans le camp du prolétariat, et de multiples contradictions à avoir en tête.
Les débats dans la CGT
Les débats préparatoires au congrès de la CGT interagissement avec le mouvement. Deux courants principaux s’affrontent. Le premier, autour de Philippe Martinez et de l’appareil bureaucratique central de la confédération, prépare la transition vers Marie Buisson, pour un syndicalisme plus unitaire, plus moderne, capable notamment de prendre en compte les questions de société, notamment les oppressions. La seconde regroupe des sensibilités variées, avec pour certainEs, comme repère la Fédération syndicale mondiale, qui regroupe notamment des secteurs staliniens nostalgiques et sectaires. Elle rassemble des secteurs plus combatifs, plus implantés dans l’industrie, contestant l’appareil central en s’appuyant sur des appareils plus locaux ou fédéraux.
Aucun de ces courants n’incarne une rupture avec le syndicalisme réformiste et bureaucratique, intégré aux institutions, mais ils incarnent, chacune à leur façon, une volonté de renforcer le syndicalisme et ses capacités d’action. Dans le mouvement, précisément, il y a une rivalité entre ces courants, le premier maintenant l’intersyndicale nationale et tirant celle-ci vers un mouvement plus dur, le second davantage capable de mettre en grève reconductible des secteurs significatifs. La concurrence entre deux secteurs de l’appareil produit des éléments positifs pour le mouvement, pour le rapport de forces mais elle induit aussi des tensions en interne du syndicat et rend plus complexe la mise en avant des conséquence de la réforme sur les femmes.
Reconduire, bloquer à partir du 7
Les appels à reconduire le 8 mars, dans le cadre de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, et dans les jours suivants, se multiplient.
On peut lister : l’appel intersyndical à la RATP, de Solidaires, l’appel des fédérations des transports de Solidaires (routiers, Rail, RATP, aérien…), l’appel Sud, CGT, UNSA à la SNCF Paris-Sud-Est, l’appel SNUipp-FSU, FO, Sud, UNSA, CGT, CNT dans les écoles parisiennes, l’appel des fédérations CGT Ports et docs, cheminots, Industries chimiques, Verre céramique, Mines-énergie, l’appel de la fédération CGT Services publics à la grève jusqu’au retrait, l’appel à faire grève « à partir du 7 mars, créons les conditions pour arrêter les usines et bloquer l’économie du pays » de la fédération CGT métallurgie, l’appel à faire grève les 7 et 8 mars de la fédération des cadres CGT. C’est non négligeable. Le plus gros manque actuellement est l’absence d’appel locaux, interprofessionnels, de départements ou de bassins d’emploi.
Nous devons contribuer à renforcer ce type d’appels, de prises de position publiques de syndicats, de fédérations, d’unions locales ou départementales, d’intersyndicales, voire d’individus, afin de donner confiance. Il s’agit de gagner l’idée que c’est le moment d’y aller, sans attendre un hypothétique secteur moteur ou un meilleur moment. Il faut gagner l’hégémonie dans l’opinion que la norme le 7 c’est d’être en grève, que la grève du 7 est sera faite par une majorité de travailleurs/ses.
Construire
Il est vraisemblable qu’un grève reconductible forte existera à partir du 8 mars. D’ores et déjà de multiples appels à faire grève, à manifester que ce soit à 15h40 ou à d’autres moment, existent.
Le 9 mars, une journée appelée par les organisations de jeunesse, permettra de rythmer le mouvement.
Il nous reste consolider l’articulation 7-8-9 et à construire les suites du 9 mars, de la grève reconductible, qu’elle soit massive et dépasse les secteurs habituels, et à mettre en œuvre le mot d’ordre du blocage du pays. Dans ce genre de mouvement, fins et moyens se conjuguent : on fait grève pour organiser des tournées, manifester, bloquer ou se réunir, remplir la caisse de grève, on se réunit pour discuter et préparer des actions concrètes. On n’agit pas par principe, mais pour peser sur le rapport de forces. Dans les secteurs où c’est le plus difficile, notamment dans le privé il faut envisager toutes les formes en adéquation avec le niveau de radicalité : cela peut être par exemple reconduire tous les jours 1h de débrayage aux changement de postes ou en début/fin de journée, au moment des manifestations…
Nous devons proposer des actions qui donne de la visibilité à la grève et qui pèsent dans le sens de son extension : diffusions sur les lieux de travail, protection des lycéens contre les actions policières, barrages filtrants ou piquets de grève devant les lieux de travail, aux ronds points, aux péages, dans les gares, les dépôts de bus et de cars, etc.
Les assemblées générales et les réunions interprofessionnelles existeront réellement si elles centrent les discussions sur ces actions. Ce qui n’empêche pas de discuter de la situation politique, des rapports de forces, des déclarations de tel ou tel dirigeantE politique ou syndicalE, de comment articuler revendications sectorielles ou politiques avec la bataille des retraites.
Un mouvement politique pour gagner
On ne le répètera jamais assez, un mouvement de cette ampleur est forcément un mouvement politique. Parce que l’avenir du gouvernement est posé. Parce que lorsque des millions de personnes se mettent en mouvement, elles posent nécessairement la question de la légitimité du pouvoir auquel elles s’affrontent, parce que les revendications s’entremêlent. Macron a beau vouloir esquiver l’affrontement, envoyer son gouvernement au charbon, il n’évitera pas la convergence des colères contre lui-même.
Contribuer à politiser le mouvement, à lui donner comme objectif une grève générale pour arrêter l’ensemble de la politique du gouvernement et dégager Macron permettrait de tirer le mouvement en avant, d’unifier toutes les franges contestataires, des Gilets jaunes aux quartiers populaires, aux populations en situation de précarité, à la jeunesse, pour gagner et ouvrir le champ de nouvelles revendications, de nouveaux objectifs. Après tout, tant qu’à faire grève pendant plusieurs semaines, autant gagner aussi le paiement des jours de grève, des augmentations de salaires et le retrait de la loi Darmanin !
Il faut en être convaincu.es : il est possible de gagner, de renverser la tendance des dernières années, toutes nos forces doivent être dans cette bataille ! TouTEs en grève le 7, organisons les blocages : ce n’est qu’un début, le 8, le 9 on continue !