Œuvres complètes tome IV. Éditions Agone Smolny, 2014, 18 euros.
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Cette publication des écrits de Rosa Luxemburg de 1907 à 1916 sur la guerre, commence par son intervention et ses amendements (avec Lénine et Martov) à la résolution du congrès de Stuttgart de 1907...
La conclusion était : « Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. »
Dès octobre 14, Rosa est convaincue que « le parti et l’Internationale sont foutus, complètement foutus », mais que ce drame historique « rend déplacés les gestes personnels de mauvaise humeur ».
Elle participe à la création de la revue Die Internationale pour lutter contre la paix sociale et politique acceptée par les dirigeants socialistes, et écrit en février 1915 : « L’Internationale, aussi bien qu’une paix conforme aux intérêts de la cause prolétarienne, ne peut naître que de l’autocritique du prolétariat, de la prise de conscience par le prolétariat de sa propre puissance (…) Le chemin de cette puissance – loin de toute résolution de papier –est à la fois celui de la paix et de la reconstruction de l’Internationale. »
Elle précise aussi dans un discours inédit en français : « La reconstruction de l’Internationale est un problème d’une importance colossale, qu’on peut aborder par des biais très divers. Redonner vie à l’ancien. Nous croyons qu’elle ne peut pas être rafistolée telle qu’elle existait auparavant (…) Si les masses combattent la guerre, l’Internationale pourra revivre. C’est par l’action que l’Internationale doit naître. »
La guerre impérialiste, « cette bête féroce »
C’est pour cela qu’elle écrit en prison en 1915 la Crise de la social-démocratie, dite brochure de Junius (publiée en avril 1916) et les Principes directeurs pour les tâches de la social-démocratie internationale (publiés en mars 1916).
Ce dernier texte est une des premières formulations de la nécessité d’une Internationale qui ne soit pas la somme de groupements nationaux, mais une organisation qui représente les intérêts historiques du prolétariat, qui coordonne et dirige la lutte révolutionnaire mondiale.
Le premier est lui un réquisitoire implacable contre la guerre impérialiste, la société bourgeoise (« une bête féroce, (...) un souffle pestilentiel répandu sur la civilisation et l’humanité ») et la capitulation de la IIe Internationale. Elle trace les perspectives de la lutte de classe « la plus acharnée » pendant la guerre, « l’armement immédiat du peuple et remettre le pouvoir de décision à celui-ci sur la question de la guerre », afin d’imposer la paix par la lutte internationale.
Dans les débats sur le centenaire de la Première Guerre mondiale, la publication de cet ouvrage est éclairante, car Rosa Luxemburg mesure pleinement la bifurcation historique qu’imprima au mouvement ouvrier ce conflit.
Patrick Le Moal