Publié le Samedi 7 novembre 2009 à 13h11.

Interview Alain Refalo et Diane Combes, enseignants désobéisseurs

Où en est le mouvement des désobéisseurs?

AR et DC: Le mouvement qui a recensé près de 3 000 enseignants du primaire en désobéissance ouverte est en phase de structuration et d’élargissement, il prépare les initiatives pour la rentrée. Une deuxième rencontre nationale, après celle de Marseille début juillet, a été organisée à Montpellier les 26 et 27 août. Ce mouvement est né spontanément en novembre 2008 et s’est rapidement développé en réseau suscitant l’embarras des organisations syndicales et la répression de la hiérarchie.

Quelles sanctions vous menacent? Quelles ripostes imaginez-vous?

AR et DC: Une centaine d’enseignants ont subi des retraits de salaire pour n’avoir pas appliqué réglementairement le dispositif de l’aide personnalisée, tout en assurant leur service auprès des élèves. Des projets pédagogiques alternatifs à la stigmatisation des « mauvais élèves » ont été mis en place dans les classes. Nous avons instauré des caisses de solidarité qui ont permis jusqu’à ce jour de compenser les pertes de salaire. Au mois de juillet, une sanction disciplinaire lourde (abaissement d’échelon, perte de 7 000 euros sur quatre ans) est tombée sur Alain. Nous n’avons pas l’intention de céder. La riposte, c’est que la désobéissance devienne massive afin de rendre la répression plus difficile.

Quels rapports avez-vous avec les syndicats?

AR et DC: Les enseignants désobéisseurs appartiennent à différents syndicats (Snuipp/FSU, Sud, Sgen, CGT éducation), certains ne sont pas syndiqués. En tant que mouvement, nous suscitons le dialogue et la coopération avec les syndicats. Certains nous soutiennent ouvertement, d’autres pas du tout, tous ont besoin d’être sérieusement aiguillonnés pour redevenir ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des syndicats de défense de l’intérêt des enfants et de la profession enseignante, et de résistance à toute forme d’aliénation idéologique de l’éducation publique.

Face à l’absence de réponse des directions syndicales pour construire un mouvement d’ensemble, pensez-vous que ce type de mouvement se développera?

AR et DC: Ce mouvement n’en est qu’à ses débuts. La répression est impuissante pour l’heure à juguler la dynamique, au contraire. Si les syndicats ne se réveillent pas à partir de la rentrée, nous pensons que les enseignants déçus nous rejoindront pour radicaliser la lutte contre les réformes qui détruisent l’école publique. L’engagement individuel au sein d’un collectif est une réponse adaptée au besoin de responsabilisation citoyenne. Si la prise de conscience de la responsabilité de chacun dans le choix de la société dans laquelle on vit s’élargit face aux menaces qui pèsent sur l’avenir de l’éducation, alors ce mouvement ne peut que prendre de l’ampleur.

Quel bilan tiré par ceux et celles qui s’y sont engagés?

AR et DC: Le bilan est plutôt positif, même si rien de significatif n’a été obtenu. Il ne pouvait en être autrement cette année. Ce qui est positif, c’est l’émergence d’une nouvelle forme de lutte qui déstabilise l’institution. En conscience, nous ne pouvons être complices de réformes néfastes pour les élèves et nous ne le serons pas. Mais nous construisons un mouvement de résistance et de propositions qui a vocation, par la solidarité qu’il génère et par le soutien de nombreux parents d’élèves, à devenir une force de pression sur le pouvoir. Ce qui sera décisif sera la mobilisation des citoyens, des élus, des partis politiques qui, en phase avec ce mouvement de résistance, exerceront une pression forte sur les décideurs.

Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école www.resistancepedagogique.org

Propos recueillis par Véronique Decker