Sans surprise le gouvernement utilise les marges de manœuvre que lui procurent les résultats des européennes et l’absence d’opposition organisée, unie et déterminée à sa politique. Du coup, la feuille de route des contre-réformes touchant les acquis sociaux et les libertés publiques de la majorité de la population est observée dans toute sa rigueur. Si bon nombre « d’affaires » qui se multiplient en cette rentrée servent d’écrans pour masquer les problèmes réels, il n’en reste pas moins que le népotisme, l’arbitraire et l’hyper autoritarisme du pouvoir sarkozyste, fonctionnent à plein, ce que permettent, il est vrai, les institutions de la Ve République. L’enjeu est de taille. Il s’agit de faire payer la crise du capitalisme et la crise écologique à une majorité de la population qui n’en est pas responsable. Et de faire semblant que tout change (bonus, parachutes dorés, paradis fiscaux), alors que rien ne change.
Le projet de privatisation de la poste apparaît là comme un symbole du maintien du dogme libéral. En revanche, le débat lancé sur la taxe carbone, le « nouveau Grenelle » sur les retraites et la réforme territoriale, pour ne prendre que ces exemples, ont pour point commun d’illustrer qu’il faudra bien payer la facture de la crise. C’est en nous faisant travailler plus, sans gagner davantage que le Medef et Sarkozy entendent régler l’addition. Ce qui implique de travailler le dimanche, de remettre en cause les 35 heures, d’allonger la durée de cotisations pour les retraites, de réaliser de nouvelles coupes claires dans les dépenses publiques en réformant l’État (abandon de ses missions sociales au profit de priorités répressives).
Les régionales, un test pour le gouvernement
Alors même que chômage, licenciements et stagnation du pouvoir d’achat frappent de plus en plus à la porte de la population, le gouvernement s’est fixé une nouvelle échéance clé sur la route d’une éventuelle réélection de Sarkozy en 2012. Il s’agit de faire des régionales un test grandeur nature de rapports de forces favorables au camp réactionnaire, permettant une nouvelle phase d’offensives politiques et sociales. C’est bien pourquoi les résistances, les mobilisations de cet automne et la préparation des régionales forment une même séquence politique où doivent se combiner une opposition frontale au Medef et à l’UMP, la radicalité de réponses alternatives face à la crise, la nécessité d’unité et de rassemblement. Car rien n’est fatal. La mobilisation qui a accompagné la consultation populaire pour défendre le service public postal, les luttes contre les licenciements qui commencent à se coordonner, l’impopularité manifeste de l’équipe gouvernementale et de ses mesures phares montrent que le rapport de forces peut s’inverser, que l’espoir peut changer de camp. Mais il est vrai que l’absence de stratégie de mobilisation de la part des principales directions syndicales pèse lourd dans la situation.Les opérations de constitution d’un centre gauche, la priorité mise sur l’organisation de primaires pour la prochaine présidentielle permettant à chacun d’assister au spectacle de la multitude d’ambitions au sein du PS et du vide de son projet, illustrent une nouvelle fois la défaillance d’une gauche d’adaptation qui n’a plus ni la volonté ni les outils pour s’opposer sur le fond à la logique capitaliste et aux projets sarkozystes. Il y a eu suffisamment d’exemples en Europe pour que le coût de telles expériences nous soit connu.
Mais le résultat des européennes, dont on sait pourtant que de par l’abstention des classes populaires et des plus jeunes, il ne représente qu’une photographie partielle des rapports de forces réels, donne du poids à l’idée que seule une coalition rose-verts-orange pourrait battre Sarkozy. C’est pourtant, à notre avis, l’histoire d’une défaite annoncée, car une telle coalition ne contesterait Sarkozy que sur la forme de l’exercice du pouvoir et non sur le fond de son projet de société. Cette coalition ferait l’impasse notamment sur la répartition des richesses et ne chercherait pas dans les combats d’aujourd’hui à défaire les projets gouvernementaux.
Construire ensemble une réponse radicale
Dès lors, l’exigence d’unité et de réponses radicales face à une crise globale sont les enjeux déterminants de cette séquence. Il s’agit de savoir, au-delà de mobilisations larges et unitaires contre le pouvoir, si la gauche radicale sera au rendez-vous. Au rendez-vous des luttes et des confrontations sociales. Au rendez-vous des réponses anticapitalistes, de la définition d’un programme de rupture face au défi de la crise générale du système. Au rendez-vous des régionales, dernière grande échéance électorale avant 2012. La brutalité de la situation exige un rassemblement sur des bases claires. La gauche d’adaptation tente de se rassembler, il est temps que la gauche radicale, indépendante de l’orientation du PS et qui refuse l’alliance avec le Modem comme une nouvelle compromission avec la droite, s’unisse. Elle doit s’unir pour favoriser les mobilisations et les résistances, elle doit s’unir autour d’un programme de rupture et avec une stratégie indépendante du PS. C’est la condition de la reconstruction d’un nouveau mouvement émancipateur. Oui, il faut battre la droite, oui, il faut distinguer un électeur socialiste d’un électeur UMP ; mais dans le même temps, il faut enregistrer qu’existent deux gauches dotées de programmes contradictoires qui leur interdisent de gérer ensemble les régions. L’enjeu est bien plus élevé que la conquête négociée de quelques postes, il s’agit d’inverser les rapports de forces à gauche, de conquérir parmi les travailleurs et les jeunes, le plus grand nombre, de commencer à construire une nouvelle hégémonie. Si les régionales permettent d’avancer en ce sens, alors nous aurons fait un grand pas. À l’heure où nous écrivons, un premier rassemblement s’est opéré, mais des obstacles subsistent en particulier parce que la direction du PCF se situe dans une reconduction d’une politique d’union de la gauche, de gestion avec le PS, comme le revendique sa principale dirigeante. Pour autant, il ne s’agit pas de renoncer mais de continuer à avancer en rassemblant les forces disponibles, c’est le sens de la politique unitaire menée par le NPA.
Le 15 octobre 2009.