De Gô Fujio, d’après le roman de Takiji Kobayashi, Éditions Akata, 2016, 7,95 euros.
Publié en 1929, le Bateau-usine est une œuvre importante du courant que l’on appelle la littérature prolétarienne. Inscrite dans le contexte de la rivalité russo-japonaise, et surtout dans celui d’un pays articulant développement industriel et ultra-nationalisme belliqueux, l’action se passe dans les années 1920 en mer d’Okhotsk, près du Kamtchatka, sur un bateau-usine pêcheur de crabes. Les conditions de travail y sont effroyables, liées à la logique de recherche du profit à tous prix incarnée dans le récit par Asakawa, l’intendant violent. Celui-ci frappe les hommes, et leur inflige des punitions corporelles. Et la colère s’accumule, conduisant ensuite les marins et ouvriers travaillant sur le bateau à la révolte (le souffle de la révolution qui a secoué le voisin russe quelques années plus tôt se fait sentir).
Œuvre contestataire censurée à sa parution, son auteur adhérera ensuite au Parti communiste japonais, à l’époque illégal. Arrêté par la police politique, il mourra sous la torture en 1933. Quelles décennies plus tard, après notamment deux adaptations cinématographiques, c’est grâce au manga, un vecteur très populaire au Japon et ailleurs, que ce livre essentiel connaît une nouvelle diffusion et permettra sans nul doute à de nouveau lecteur d’en découvrir toute la charge subversive. Car, avec le style de dessin dynamique propre au genre, le récit garde toutes ses qualités, celles d’un véritable pamphlet anticapitaliste toujours d’actualité, dépeignant un monde complètement fou où les enjeux économiques et politiques broient l’humanité. De plus, cette édition soignée est agrémentée d’une courte préface écrite par la traductrice du roman d’origine1, et d’une plus longue postface qui revient sur le contexte et le contenu de l’œuvre originale.
Ajoutons enfin que ce manga est dédié par son éditeur japonais « à tous ceux qui ont été sacrifiés pour l’essor du capitalisme japonais ». À lire... et à faire lire.
Manu Bichindaritz
- 1. Toujours disponible : Le Bateau-usine, Takiji Kobayashi, Allia, 2015, 8,50 euros