Publié le Mercredi 13 mai 2020 à 14h47.

« Ce n’est pas avec les annonces de Macron que la situation des travailleurs du spectacle va s’améliorer. »

Interview de François « Bubu » Boirie, violoniste (Cie Mohein, Romano Dandies, La Fiancée du Pirate, Moonshine Fish…).

Le confinement a été un coup dur pour de très nombreux travailleurs précaires. Peux-tu nous en décrire les conséquences pour les intermittents du spectacle ? 

D’abord, on nous appelle intermittents du spectacle, mais ce n’est pas un métier en soi. C’est un régime adapté aux artistes et techniciens du spectacle pour qu’on ait droit au chômage comme tous les autres travailleurs. Ce statut nous définit comme « salarié dont l’activité présente une alternance de périodes travaillées et non travaillées », ce qui correspond aux périodes où on prépare les spectacles, les répétitions, réparation de matériel, recherche de contrats, etc. 

Pour bénéficier de ce régime, on doit justifier de 507 heures déclarées sur 12 mois, pour être alors indemnisé pour une période de 12 mois pendant laquelle on doit faire à nouveau les 507 heures. 

Dès le début de la crise, la plupart des spectacles, productions, expositions, etc. ont été annulés, nous empêchant, qu’on soit musiciens, techniciens, ou comédiens de travailler et donc de valider nos heures. 

Le principe même des CDD courts avec plusieurs employeurs rend très difficile la mise en place du chômage partiel (beaucoup d’employeurs sont occasionnels et privés, les contrats sont quelquefois signés le jour même etc.). 

Comme la situation dure depuis début mars et va se prolonger au moins jusqu’à la fin de l’été, période durant laquelle la majeure partie d’entre nous nous validons nos heures, la conséquence directe est la perte du statut d’intermittent pour énormément de travailleurs. Nous demandons donc que la période indemnisée soit prolongée et ce d’au moins un an car les spectacles ne reprendront pas avant de nombreux mois. 

Y a-t-il eu pendant cette période des mouvements ou regroupements des intermittents pour s’organiser et faire entendre des revendications collectives ? 

Bien sûr, tous les intermittents ont essayé de se faire entendre mais il est vrai que la profession a toujours eu du mal à s’organiser, étant composée d’individus isolés, d’employeurs multiples, de travailleurs de l’ombre… La CGT spectacle (Syndicat national des artistes musiciens) a évidemment posé nos revendications, comme « une prolongation des droits de toute la période d’impossibilité à travailler normalement, allongée d’un an » et plusieurs collectifs, ont lancé des pétitions, comme « Luttons pour ne pas mourir », essentiellement sur les réseaux sociaux. 

Les annulations de festivals et de spectacles se sont multipliées. La récession frappe durement ce secteur aussi. L’annonce par Macron d’une « année blanche » pour les intermittents parait bien tardive et insuffisante. Quelles réactions a-t-elle provoquée ? 

Pour l’instant, de la méfiance, nous savons comment fonctionne notre gouvernement et ce n’est pas parce que M. Macron, suite à l’intervention de quelques stars du cinéma, annonce qu’il est « favorable » à l’allongement de la période d’indemnisation pour les artistes que la situation des travailleurs du spectacle va s’améliorer. 

Les intermittents du spectacle dépendent du ministère du Travail, pas de la culture, et nous attendons avec « angoisse » les décisions de Mme Pénicaud ! 

Je crois que nous sommes environ 250 000 intermittents, seulement 100 000 indemnisés au titre du statut. Le spectacle et la culture en général font vivre 1,5 millions de travailleurs… Nos revendications ne sont pas des caprices de quelques privilégiés !

Propos recueillis par François Minvielle