Publié le Mercredi 24 mars 2021 à 11h39.

À cent ans de sa naissance, hommage à Astor Piazzolla

Le 11 mars 1921, Astor Piazzolla (1921-1992) voyait le jour à Mar Del Plata, dans la province de Buenos Aires. Durant sa vie, il a révolutionné et dépassé le tango, musique reine de la capitale argentine.

Dans les années 1960, son « tango nuevo » suscita une grande résistance de la part des tenants de la tradition qui n’hésitèrent pas aller jusqu’aux attaques physiques contre le musicien. La « révolution » musicale de Piazzolla connut plusieurs périodes. Sa musique est jouée, revisitée ou revendiquée par des artistes de tous les horizons, du jazz en particulier.

Les débuts (1940-1950)

À 19 ans, Piazzolla intègre la deuxième rangée de bandonéons du plus célèbre orchestre de l’époque, celui d’Anibal Troilo « Pichuco ». En quelques semaines, il gagne le premier rang et commence à écrire des arrangements aux musiques de Pichuco. Ce dernier en gomme les éléments les plus novateurs pour ne pas déstabiliser les danseurs de tango. En 1946, Piazzolla crée son propre orchestre et brille. Il revisite et réinterprète de façon radicale les tangos d’auteurs connus et déjà consacrés (Filiberto, De Caro). Il enregistre ses premiers disques que les éditeurs estiment non rentables. Déçu, il dissout alors son orchestre et abandonne temporairement le bandonéon.

La transition (1951-1958)

Piazzolla reprend des études de musique classique et de piano. Il compose alors quelques œuvres de type symphonique et remporte un prix en 1953, qui lui ouvre les portes de la France pour continuer sa formation avec Nadia Boulanger. C’est la rencontre entre un(e) maître à l’énorme intuition musicale et un musicien qui cherche sa voie. Boulanger lui fait reprendre immédiatement son bandonéon et Piazzolla crée « el nuevo tango ». Orchestre à cordes à l’opéra (Paris et Buenos Aires) ou octet de tango, Piazzolla donne à sa musique une métrique de plus en plus irrégulière et rythmée. Il joue avec des grands du jazz (Martial Solal) et enregistre les compositions « Chau Paris », « Sens Unique », « Picasso », « Marron y Azul ».

Les révolutions permanentes de Piazzolla (1959-1992)

À la fin des années 1950, il vit à New York, tenté par une fusion totale de sa musique avec le jazz, quand il apprend la mort de son père. Bouleversé, il reprend un de ses thèmes (« Nonino ») composé à Paris et explose définitivement l’univers musical du tango avec « Adios Nonino ». Son quintet « Nuevo Tango » aborde des sons et des esthétiques contemporaines et avant-gardistes. Les gardiens du dogme hurlent et menacent mais, en réponse, Piazzolla compose ses chefs-d’œuvre argentins dont « Fugo y Misterio », « Contramilonga a la Funerala ». Dans le même temps, avec le poète uruguayen Horacio Ferrer, il réinvente le tango-chanson (« Balada para un loco », « Chiquilín »).

Si le quintet Nuevo Tango avait déjà adopté la guitare électrique, le faux exil du musicien1 de 1973-1979 va l’amener à incorporer le « byte » électronique. Il compose son chef-d’œuvre « Libertango » puis collabore étroitement avec le saxophoniste Gerry Mulligan notamment pour « Summit ».

Puis c’est le retour en Argentine où il triomphe au théâtre Colon en 1983. Il compose aussi pour le cinéma. Sans abandonner le « nouveau tango », il revient à des mélodies plus symphoniques et classiques, puis au jazz avec Gary Burton. Seul un AVC en 1990 va stopper prématurément sa boulimie de métamorphose. Il meurt le 4 juillet 1992 en laissant une œuvre qui compte plus de 1 000 morceaux, 3 000 partitions et 200 enregistrements. Un monument moderne !

  • 1. Astor Piazzolla n’était pas un opposant à la dictature. Mais à son retour, c’est la « gauche » qui le salua. Le cinéaste et militant Fernando Solanas était son ami.