Publié le Mercredi 1 mai 2013 à 19h23.

Chasse au déserteur

Par Henri Clément

La guerre du Vietnam, tant par les traumatismes qu’elle a laissés dans la mémoire collective étatsunienne que par l’interminable liste de tragédies, barbouzeries, complots, magouilles et autres saloperies dont elle a été le théâtre, est devenue une source inépuisable de scénarii pour le cinéma comme pour la littérature. Le roman de Roberts s’inscrit dans cette lignée, tout en déplaçant légèrement la focale, puisqu’il s’attache essentiellement à ce qui se passait à l’arrière, sur les bases logistiques et parmi les fumeries et bordels de Saïgon.

L’intrigue est certes classique : une enquête sur des lettres de menaces à l’encontre d’un projet cinématographique qui doit traiter d’évènements méconnus qui se sont produits dans cette ville. Mais parfaitement maîtrisée, elle nous entraîne sur les traces des « fantômes de Saïgon », ces soldats qui désertèrent plutôt que de risquer leur peau dans une guerre qui n’était pas la leur : « Ces mecs sont seulement absents sans permission, ou portés manquants. Ca ferait désordre de reconnaître que le Capitole tolère une population de déserteurs de la taille d’un bataillon. Les Viêts les appellent les "fantômes" (…) Ils ont rien inventé. Parles-en un jour à l’adjudant-chef Posezny. Il était PM en Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale, et il raconte que l’île était pleine de déserteurs de tous les pays alliés. »

Le récit de l’offensive du Têt, façon Del Dongo à Waterloo, comme le portrait de cette Cour des miracles de Saïgon, entre trafics de drogue et de devises, prostituées et déserteurs, sont de véritables réussites. L’ensemble se lit d’une traite. Il apporte un nouvel éclairage sur les réalités de la guerre, et fait un écho à la bande dessinée de Maximilien Le Roy, Dans la nuit la liberté nous écoute, qui traitait également de cette question de la désertion, cette fois lors de la guerre d’Indochine (voir TEAN La Revue n° 27 de décembre 2011).

 

Les fantômes de Saïgon, John Maddox Roberts, traduit par Francis Lefebvre, folio policier, Gallimard, 2012, 464 pages, 7,50 euros.