Publié le Mercredi 14 janvier 2015 à 22h01.

Essai : Beauté Parade, Sylvain Pattieu

Après les ouvrierEs de PSA-Aulnay dans « Avant de disparaître. Chronique de PSA-Aulnay », dans son quatrième ouvrage, Sylvain Pattieu nous livre d’une façon endiablée la chronique d’une grève victorieuse et totalement inédite d’un salon de beauté du 10e arrondissement de Paris.

Une grève inédite car c’est la première grève dans ce secteur d’activité, dans une onglerie-salon de coiffure, et menée par six femmes – Lin Mei (la « meneuse »), Maddissou, Souquin, Adja, Yanping, Fengzhen – et un homme, Gang, touTEs sans-papierEs et déterminéEs. Quatre Chinoises pour les ongles et deux Africaines pour les cheveux, qui, jusqu’à la grève, ne se côtoyaient pas vraiment à cause de la barrière de la langue, de l’âge... mais aussi celle de la cuisine !La grève du 50 boulevard de Strasbourg débute en février 2014, « avant l’arrivée de la CGT », quand elles ont décidé de croiser les bras car cela faisait deux mois que leur patron ne les payaient plus. Puis le patron est définitivement parti, avec la caisse. Avec l’aide de la CGT, elles décident donc d’occuper le salon de beauté. Commence alors une lutte de trois mois pour la reconnaissance de leurs droits, de leur travail et de leur existence, en exigeant des papiers. Car « Ici c’est simple : pas de code du travail. Horaires flexibles au maximum, salaires au compte-gouttes, de temps en temps, pas d’hygiène, pas de sécurité. Un rapport patron-salarié sans filet, sans règle formelle, sans syndicat ».

La dignité d’un combatPetit à petit, l’auteur nous conte la grève, la solidarité, l’accompagnement syndical, mais aussi et surtout ces femmes extraordinaires qui se racontent au fil des pages et se découvrent tout au long de cette lutte. On y découvre aussi un quartier, celui du 10e arrondissement de Paris, que l’auteur connaît bien puisqu’il y habite depuis onze ans.Cette grève du 50 boulevard de Strasbourg aura duré trois mois et au bout du bout, nos six héroïnes ont obtenu gain de cause, c’est-à-dire les fameux papiers leur permettant ainsi de passer de travailleuses sans-papières à travailleuses tout court... Quelques mois après cette grève, dans le même quartier, d’autres travailleuses sans-papières se sont également battues pour la reconnaissance de leur travail et de leur existence.Beauté Parade est un récit chaleureux, bien écrit où, une nouvelle fois, Sylvain Pattieu nous entraîne dans le monde de la dignité, de la grève, des femmes courageuses et combatives. Encore une fois, l’auteur distille un mélange subtil, entre chronique sociale et littérature. Et encore une fois, il prouve qu’il a un sacré talent. À lire sans aucune modération.

Sandra Demarcq