De Pierre Ivorra. Éditions du Croquant, 15 euros. Ce livre est un étonnant portrait de familles, d’un petit nombre de familles qui constituent l’oligarchie financière de ce pays, les dirigeants de 40 grands groupes multinationaux, sur les 150 que comptent la France, qui sont cotés en bourse au CAC, Cotation Assistée en Continu.
Le CAC40 est né en 1988 et son histoire est celle de l’évolution du capitalisme français sous le feu de la mondialisation financière. Aujourd’hui, plus des deux tiers de leurs profits sont tirés de l’étranger.
« Les 40 voleurs d’Ali-Baba »
Pierre Ivora est un ancien analyste financier, journaliste à l’Humanité, il a aussi été expert auprès de comités d’entreprise. À travers ses propres souvenirs, il nous fait rencontrer ces hommes du capital qu’il a découverts à l’occasion de ses activités, rencontres, entretiens avec certains de leurs dirigeants, actionnaires, administrateurs...
Un tableau éclairant sur « les 40 voleurs d’Ali-Baba », BNP Paribas, Bolloré, Orange, L’Oréal, Saint-Gobain, Peugeot, Renault, LVMH… Cette quarantaine de grands patrons qui, en 2016, ont perçu en moyenne, chacun, 4,5 millions d’euros, en un an une augmentation moyenne de 300 000 euros. Ensemble, ils ont perçu 180 millions, l’équivalent annuel de 13 306 allocataires du RSA. Des rémunérations qui s’envolent, hommage fou à la course à la rentabilité financière par la diminution du coût du travail dont ils sont les zélés artisans.
Un système archaïque
Le livre décrit cette course au bonus et aux retraites chapeaux d’un montant hallucinant ; la prise de contrôle des médias pour subjuguer l’opinion ; la mise en route des plans sociaux, de la flexibilité ; la lutte contre les protections sociales, autant d’« entraves insupportables » pour la compétitivité alors qu’eux-mêmes sont des assistés de l’État dont ils bénéficient des largesses ; les multiples liens qui se nouent entre ce monde de grandes fortunes et les professionnels de la politique qui les servent comme l’illustre le parcours de Macron…
Il décrit les conséquences destructrices de cette politique vouée au profit au détriment du monde du travail et de l’ensemble de la société. Mais si l’auteur démontre « l’archaïsme » du système, souligne à juste titre que l’on ne peut se contenter d’exiger un meilleur « partage des richesses », c’est pour mieux défendre la politique du PCF et ses ambiguïtés. Mais « produire autrement » ne peut se résumer à une autre gestion, cela exige l’expropriation et la mise sous le contrôle des travailleurs des multinationales, la création d’un monopole public bancaire. Les faits cités par le livre le démontrent abondamment.
On regrettera par ailleurs que son auteur ait trouvé utile de mettre en cause des militants du NPA à propos d’un malencontreux débat avec Éric Woerth invité à la fête de l’Huma, débat qui avait tourné court…
Yvan Lemaître