Anonyme, La Découverte, 2016, 7,50 euros.
«Il y a déjà longtemps que cette élection ne nous fait plus rêver. Postures à adopter, discours à débiter, sondages à faire peur, chroniques d’humoriste dès le matin pour supporter. Mais il est plus récent qu’elle soit devenu un tel cauchemar : un premier tour qui ressemble au second, avec un vote par défaut ; un second tour dont le seul enjeu est d’éviter l’élection d’un président d’extrême droite. Et un troisième tour qui n’aura, comme d’habitude, jamais lieu. À moins que... » Le décor est planté, et dès les premières pages de ce court mais percutant récit, nous sommes plongés dans une enthousiasmante uchronie (une réécriture de l’histoire) : au sortir de la torpeur estivale de 2016, après la lutte contre la loi travail et alors que la crise politique bat son plein, un vaste mouvement de refus de l’élection présidentielle de 2017 se lève dans tout le pays...
Les premiers sondages alarment, puis très vite, cette véritable insoumission populaire descend dans la rue, et devient visible : on organise de grands banquets populaires, on vole les chaises pour que les meetings politiques ne puissent pas se tenir, on recouvre d’affiches blanches les tronches électorales, etc. Même les maires refusent de participer à la mascarade, ne signant pour aucun candidat (au risque de donner une ridicule élection « démocratique »... avec à peine deux ou trois candidats !). Et la classe dirigeante prend alors peur : comment le pouvoir PS peut-il répondre au problème ? Quels candidats auto-proclamés « anti-système » pensent pouvoir tirer les marrons du feu ? Quelles perspectives ce mouvement peut-il se donner ?
Si l’on peut trouver que cette anticipation ne s’inscrit pas totalement dans une réalité que nous connaissons (malheureusement), si l’on peut ne pas partager toutes les considérations politiques que délivre ce récit (les auteurs, anonymes, semblent proche du Comité invisible de Julien Coupat, et n’épargnent personne, y compris un petit parti anticapitaliste...), il n’en reste pas moins une vulgarisation politique très bien écrite et comportant même quelques fulgurances dans la critique comme dans l’anticipation d’un mouvement inédit. Si seulement si...
Manu Bichindaritz