Éditions Don Quichotte, 2014, 19,90 eurosLe dernier livre de Laurent Mauduit, cofondateur de Mediapart, a un double intérêt : une critique argumentée, de ce que l’auteur appelle, la « duperie » de François Hollande, et la dénonciation d’« une histoire dans l’histoire », celle des « combinards », Cambadélis, Le Guen, et Valls.
On peut discuter les éléments de continuité et de discontinuité dans la politique de la social-démocratie française, mais la combinaison de l’austérité sans fin pour les classes populaires, d’une alliance stratégique avec le Medef, d’une fusion inégalée sous un gouvernement « de gauche » des sommets de l’État et de l’oligarchie financière, constitue effectivement un point de rupture dans l’histoire du Parti socialiste. La social-démocratie s’est transformée en social-libéralisme qui n’est plus que néolibéralisme. La démonstration de Mauduit est implacable, d’autant qu’elle emprunte le cheminement de ceux qui ont cru au « changement, c’est maintenant » de Hollande et qui constatent le désastre de cette politique pour la gauche.Nous n’étions pas de ceux-là, et pour une raison largement expliquée par l’auteur lui-même : la situation actuelle résulte d’un long processus commencé au début des années 80, où la social-démocratie s’est moulée dans les sommets de l’État et de l’oligarchie capitaliste. Le PS s’est progressivement transmuté, sous Mitterrand, sous Jospin, sous Hollande, en parti de type démocrate à l’américaine.Du coup, on peut s’interroger sur la notion de « duperie ». Bien entendu, Hollande a manœuvré, ici et là, mais les contraintes d’un capitalisme néolibéral dans la crise, les diktats des marchés financiers et de l’Union européenne, sans oublier le programme de l’Internationale socialiste en Europe, plantaient déjà le décor.
Génération de « combinards »...« L’histoire dans l’histoire », c’est la trajectoire de la génération Unef-Mnef-OCI, de ce groupe de militants qui sont passés, sur les 30 dernières années, d’un mouvement se revendiquant du trotskisme aux commandes d’un parti et d’un gouvernement néolibéral. Nous avons connu ces militants et nous avions dénoncé déjà à l’époque les méthodes de gestion de la Mnef, du Crous, de l’Unef. Mais ce que Mauduit met en lumière, c’est un enchaînement des faits qui montre justement le lien organique entre cette mutation historique de la social-démocratie et la trajectoire des « combinards » de la Mnef au travers des rapports à « l’Argent ». Les années 80/90, c’est l’émergence de cette génération au PS, et en même temps leur intégration dans les appareils mitterrandistes gangrenés déjà par la corruption et les affaires. Ils incarneront au fil des années une des pointes avancées de la liquidation du PS comme traditionnel parti de gauche.Laurent Mauduit conclut son livre par un appel à l’action, au débat, et à la refondation d’une nouvelle force de transformation sociale. Bien sûr, toutes les initiatives contre les politiques d’austérité sont les bienvenues, mais on comprendra, surtout après tout ce que Mauduit a dénoncé, qu’une nouvelle force ne pourra se reconstruire qu’en totale indépendance du Parti socialiste, de sa politique, et de ses mœurs.
François Sabado