Publié le Vendredi 13 décembre 2024 à 11h00.

Faire des cadeaux avec la Brèche

Une sélection de vos libraires préférés pour vos cadeaux de fin d’année.

Essai

Moins ! La décroissance est une philosophie, de Kohei Saito

Éditions du Seuil, 2024, 352 pages, 23 euros.

Kohei Saito est un philosophe japonais absolument brillant, possédant une immense connaissance du travail de Marx et de ses cahiers inédits, et il est l’auteur d’un des plus gros best-sellers de l’histoire japonaise (plus de 500 000 exemplaires vendus en deux ans). Le titre original du livre et qu’il aurait été pertinent de conserver pourrait se traduire par « Marx dans l’anthropocène : vers un communisme décroissant ». C’est un livre qui pose les problèmes écologiques contemporains, dans un style très accessible et agréable à lire, et qui conclut que ce n’est qu’en comprenant comment le capitalisme dérègle les échanges de matière entre l’humanité et la nature qu’on peut agir sur la catastrophe écologique. La lecture qu’il propose de l’œuvre de Karl Marx est vraiment convaincante et donne envie d’approfondir à la fois sa connaissance de Marx et des questions écologiques.

Étincelles écosocialistes, de Michael Löwy

Éditions d’Amsterdam, 2024, 218 pages, 18 euros.

Que « la valeur d’échange soit subordonnée à la valeur d’usage », et que « la production soit organisée en fonction des besoins sociaux et des exigences de la protection de l’environnement », car il n’y a pas de solution à la crise écologique dans le cadre du capitalisme. Michael en appelle à une rupture civilisationnelle. De Karl Marx à Walter Benjamin, l’auteur étaie le concept d’utopie concrète, qui loin d’être un oxymore fonde celui d’écosocialisme : il y a un lien intime entre la lutte contre la marchandisation et la défense de l’environnement, entre la résistance à la dictature des multinationales et le combat pour l’écologie.

Le FLN, mirage et réalité, de Mohammed Harbi

Éditions Syllepse, 2024, 536 pages, 28 euros.

L’auteur, conseiller politique de Ben Bella, s’oppose au coup d’État de Boumédiène, est emprisonné, s’évade et nous livre cette contribution essentielle à l’histoire de l’Algérie de 1945 à 1962. Remettant en cause le mythe fondateur du FLN du primat du politique sur le militaire, l’auteur met en évidence la diversité des mouvements nationalistes qui se sont succédé ou ont coexisté, leurs relations et leurs dissensions, les scissions et les rapprochements, les luttes d’influence entre des hommes qui, dans un climat quasi permanent de suspicion, alternaient les alliances et les règlements de comptes. La guerre d’Algérie n’a pas été un processus linéaire de libération anticoloniale. Merci aux éditions Syllepse d’avoir réédité cet ouvrage clé, épuisé depuis des décennies.

Leur usine, nos vies, nos morts, de Catherine Méry

Éditions Syllepse, 2024, 112 pages, 12 euros.

Première coédition La Brèche/Syllepse, cet ouvrage retrace les combats de nos camarades de l’usine Bosch qui s’est aussi appelée Lockheed, DBA, Bendix, implantée à Beauvais. On y suit les luttes ouvrières de ces militantEs, surtout de la LCR mais aussi de LO, qui se sont battus au quotidien. Chacun a son chapitre, sa photo, ses engagements sur les salaires, les conditions de travail mais surtout contre un patronat cynique faisant feu de tout bois pour licencier… au nom de l’amiante ! Omniprésente partout dans l’usine, amiante qui les a quasi tous tués. Catherine nous présente aussi ce combat sans fin pour faire reconnaître les cancers induits comme maladie professionnelle. Presque toutes les Taupes Rouges sont reproduites, certains bulletins de LO également.

Revue

La Revue du Crieur n°25 

Mediapart, décembre 2024, 160 pages, 15 euros.

Ultime numéro de la revue. Dommage. À l’image de Mediapart, ce média est propre, engagé, sans concession. La solitude de Gaza, son titre, ne faillit pas à sa réputation et réunit les signatures de Mona Chollet, Thomas Vescovi, Meryem Belkaïd, Marion Slitine et Eyal Weizman, israélien. Du concept de génocide à celui de culturicide, de la complicité des dirigeants occidentaux à la disparition du camp de la paix israélien, de la colonialité comme notion centrale à l’examen sur le temps long des exterminations des peuples dominés, tout y passe. Romaric Godin aborde le processus électoral récent en France et les débats qui agitent la gauche radicale aux États-Unis. On trouve aussi un article sur le nécessaire fonds d’archive LGBTQIA+, enfin la notion de consentement en contexte de violences sexuelles, exposant les différentes positions dans le champ féministe est développée.

Bande dessinée

Souffler le feu, de Joe Sacco 

Futuropolis, 2024, 140 pages, 22 euros.

Joe Sacco est l’auteur de nombreuses BD sombres, des docu-fictions qui mettent en scène des évènements politiques violents auxquels l’auteur a participé, ce qui lui donne une autorité réelle pour en parler. Irak, Palestine et Gaza, Inde. En l’occurrence, l’auteur traite des violences entre musulmans et hindous qui font plusieurs dizaines de morts et des milliers de paysans déplacés… Les victimes sont bien sûr les pauvres, des paysans sans terre. Sous l’apparence de violences interconfessionnelles, la guerre de classe en Inde, le processus de guerre civile opposant les miséreux et les nantis n’est pas loin. Archétype de ce qui s’est passé et se passera à l’avenir, et pas seulement en Inde.

Et que se taisent les vagues, de Désirée et Alain Frappier

Éditions Steinkis, 2024, 320 pages, 24 euros.

Troisième tome de la trilogie de Désirée et Alain Frappier sur l’unité populaire au Chili — après Là où se termine la terre et Le temps des humbles qui racontaient la vie d’un jeune garçon dans les années 1950 et 1960 au Chili et d’une jeune militante du MIR, œuvrant dans les « poblaciones » durant les mille jours de l’unité populaire – consacré au coup d’État de Pinochet, vu par les yeux d’un marin loyaliste cherchant à empêcher le coup d’État. Avec les mêmes qualités que les deux précédents volumes : humaniste et écrite à auteur humaine, cette BD célèbre l’engagement et la conscience politique de celles et ceux d’en bas. À travers le récit individuel, c’est aussi la complexité et les questionnements de cette période politique qui se donnent à voir.

La Belle de Mai, de Mathilde Ramadier et Élodie Durand

Futuropolis, 2024, 144 pages, 22 euros.

Cette BD s’inscrit dans le mouvement de réappropriation de l’histoire des femmes ouvrières en racontant la grève de l’hiver 1887 dans la manufacture des tabacs marseillaise de la Belle de Mai. Les ouvrières d’origine italienne qui travaillent à y fabriquer les cigares et les cigarettes, déclarent la grève sans syndicat ou expérience de lutte préalable. Leur lutte se déploie de la revendication initiale (l’arrêt des fouilles au corps à la sortie de l’usine) jusqu’à la création d’un syndicat et une victoire éclatante !