Publié le Mercredi 15 juin 2022 à 12h13.

Flee, de Jonas Poher

Documentaire d’animation danois, français, norvégien et suédois. 1 h 23 min, disponible sur arte.tv.

À bien des égards, Flee est un OVNI (objet vidéo non identifié). En premier lieu, il est diffusé sur le petit écran avant d’être disponible en salle à la fin août seulement. De plus, alors qu’il s’agit d’un documentaire, il raconte une histoire plus romanesque que beaucoup de fictions. Il se présente sous la forme d’un film d’animation, mais il est très largement illustré d’images d’archives d’info télévisée. Enfin, il nous propose des incursions visuelles dans une forme de non-dit – comme des zones d’indétermination – incarné par des tableaux fuyants de silhouettes au fusain. Efficace...

Une histoire vraie

Le film raconte l’histoire d’Amin, jeune homme qui fuit (« to flee » veut dire fuir) l’Afghanistan avec sa famille au moment de la guerre civile, juste avant l’arrivée au pouvoir des Talibans. La fuite vers la Russie peut sembler étonnante, mais il faut se rappeler les liens entre les deux pays à la fin des années 1970... Aucune surprise, par contre, dans la brutalité de la police russe, violente, arrogante, corrompue. L’errance doit donc reprendre vers la Suède : les passeurs, la clandestinité, la peur, la faim et le froid, lot commun de tant d’exiléEs... Et le sauvetage in extremis des sœurs d’Amin, lors d’un premier convoi, qui atteignent la Suède presque mortes. Pour le reste de la famille, plus tard – il faut le temps de ramasser l’argent ! – c’est l’interception en mer, le renvoi vers la Russie, et à nouveau les passeurs – cette fois plus chers, plus sûrs – pour Amin, seul... Et au bout de la route, le Danemark.

Poupées russes

L’histoire dans l’histoire, c’est le mode de narration choisi : Amin, adulte « bien intégré », universitaire qui a réussi, finit par raconter son histoire – telle une thérapie, allongé sur un divan au décor afghan – à son plus ancien ami danois, cinéaste. Et dans cette histoire elle-même, comme un élément central, l’homosexualité d’Amin, qu’il découvre au cours de son périple. Le récit navigue ainsi entre la vie confortable du couple d’Amin et Kasper, bien installé dans un Danemark accueillant, et les années d’errance d’Amin et de sa famille. C’est probablement ce qui, avec l’absence de suspense, permet à cette histoire d’éviter tout excès de pathos, de rester en permanence à un niveau de sobriété extrême, calquée sur le tempérament hyper flegmatique du personnage principal, et donne une très grande force au récit.