Publié le Lundi 12 novembre 2012 à 15h50.

James Bond Un imaginaire anglais

La sortie au cinéma des dernières aventures du plus populaire des agents secrets nous permet de replonger dans le parcours cinématographique de cette incarnation d’un impérialisme britannique à bout de souffle. En luttant contre des méchants soviétiques, des industriels mégalomanes et des terroristes sans cause, Bond a traversé cinq décennies d’histoire.Créé par le réactionnaire Ian Fleming, « James Bond a été une sorte de Viagra pour les Anglais » selon l’auteur britannique Simon Winder, auteur d’un essai sur la question. En effet, l’agent secret est né en 1952, quelques années après la fin de la deuxième guerre mondiale, année de l’accession au trône de la reine Elisabeth. Cette guerre a épuisée l’Angleterre et mis à mal sa puissance. Son empire colonial est en décomposition et dans un système bipolaire opposant Moscou et Washington, Londres en est réduit à jouer les seconds couteaux. « James Bond est alors apparu comme la force secrète d’un pays qui, en public, accumulait les déconvenues ».À l’heure de la guerre froideAnticommuniste jusqu’au bout des ongles, individualiste et cynique, l’agent secret a, en particulier dans sa première vie, fait de la lutte contre tous les sbires de l’Union soviétique sa feuille de route. Il est toutefois à noter que si l’ombre du KGB est omniprésente, c’est souvent à cause de ses relations obscures avec la pègre internationale – comme le SPECTRE, organisation de grand banditisme qui traverse l’ensemble de la série – que Bond règle ses comptes à l’URSS.Conséquence de la chute du mur de Berlin et de la mise en place du « nouvel ordre mondial » de Bush père, le tournant international ne viendra finalement qu’assez tardivement dans la série des films. Ainsi, en 1995, le Bond censé relancer la série sur des bases nouvelles, Goldeneye, met encore en scène quelques belles figures de méchants Russes. La ficelle est usée mais fonctionne toujours…Les capitalistes mégalomanesS’insérant de plain pied dans les tensions et relations internationales, la série n’en oublie pas à sa façon de critiquer, certes de façon imagée, un système économique qui donne des pouvoirs exorbitants à quelques individus… De quoi en perdre la tête.Ainsi quelques méchants parmi les plus représentatifs : le premier en 1962, Docteur No, qui fait joujou avec la radioactivité ; plus récemment en 1999 Electra King, une magnat du pétrole dans le monde ne suffit pas ; et surtout Elliot Carver en 1997 dans Demain ne meurt jamais, grand patron des nouveaux réseaux médias, sorte de figure fusionnant la patron de Microsoft Bill Gates et Rupert Murdoch le big boss réactionnaire des plus grands médias américains d’information. Et maintenant ?« Nos ennemis sont inconnus, ils n’ont pas de drapeaux, pas de pays » déclare dans le dernier film la supérieure de Bond, M, à une commission d’enquête gouvernementale. Résumé rapide mais direct de la période dans laquelle est entrée l’Angleterre dans la dernière décennie. Quand Blair a placé ses pas dans ceux de Bush Jr dans sa « guerre contre le terrorisme », il a plongé l’Angleterre dans un nouvel inconnu. Ni américain (mais sous pression politique de ceux-ci), ni complètement européen (mais sous influence et concurrence économique), l’impérialisme britannique se cherche désormais une place dans la géostratégie internationale. Le vieux court toujours derrière le jeune, comme l’illustre aussi le dernier film en date Skyfall.Manu Bichindaritz