Publié le Dimanche 15 septembre 2013 à 18h59.

Jôlie Môme : travailleurs du théâtre

Entretien. À Aurillac 2013, l’un des plus grands festivals de théâtre de rue d’Europe, la compagnie Jolie Môme était présente. Ni dans le In ni dans le Off. Simplement dans la rue, chantant des chansons révolutionnaires et anticapitalistes devant une foule toujours plus nombreuse. Alors que les débats sur les renégociations Unedic s’annoncent houleux, nous nous sommes entretenus avec Michel, directeur de la compagnie, Clément et Marie, sur les enjeux des prochaines luttes.

Vous éditez un petit bulletin, le Môme, où dans le dernier numéro vous parlez notamment de la social-démocratie, du PS et de sa soumission au capital. PS et UMP, même combat ?
Oui, l’année dernière pour Aurillac 2012, on a fait un édito dans le Môme, « À quelle soc’ allons-nous être mangés ? » On attendait de voir ce qui allait se passer après l’élection mais sans illusion. Cette année, on vient de faire une semaine de travail sur la guerre de 14-18 et la trahison de la social-démocratie en 1914. On sait ce qu’est la social-démocratie, on sait à quoi elle aboutit : la trahison toujours, la guerre souvent.
Concernant les réformes Unedic de la rentrée, est-ce que les artistes sont en danger ?
On est en danger tout le temps. Dès qu’ils peuvent s’en prendre à nous, ils n’hésitent pas, comme pour les chômeurs en fait. On a déjà eu une lutte en 92 contre le PS mais c’est dur de se battre contre lui. Le gouvernement va dire qu’il est avec nous jusqu’au dernier moment mais que ce n’est pas de leur faute, car ce sont les négociations paritaires, mais que vraiment la démocratie, c’est le paritarisme... ce qui n’est évidemment pas vrai !
Quand la CFDT et le patronat décident tous les deux de réduire nos droits, ce n’est pas démocratique. 
La CGT spectacle est ultra majoritaire dans notre métier (autour de 80 % des syndiqués), et ses revendications ne sont jamais prises en compte…
En tant que compagnie et plus largement en tant qu’artiste intermittent, que faut-il faire ?
En tant que Jolie Môme, nous ne décidons de rien, sauf de notre participation aux mobilisations impulsées par le syndicat ou la coordination (Coordination des intermittents et précaires - NDLR).
Plusieurs membres de Jolie Môme sont syndiqués, par nécessité de s’organiser, pour l’ouverture interprofessionnelle, pour pouvoir s’adresser à tous les syndiqués, ce qui est beaucoup plus difficile si on ne l’est pas soi-même.
Une fois dans le mouvement, ce qui est important, ce sont les comités de lutte, comités d’occupation. Mais en ce moment, la coordination, les syndicats, et surtout le comité de suivi organisent notre réponse aux menaces et même travaillent à améliorer notre indemnisation au lieu de l’habituelle position défensive.
La prochaine réforme de l’Unedic risque de ne pas toucher que les intermittents mais tous les chômeurs. Il faudra donc qu’on les soutienne dès le début, avant même que soit attaquée l’annexe 8 (celle des techniciens, plus immédiatement en danger que celle des artistes). C’est toute l’importance de la solidarité interprofessionnelle et de la convergence des luttes.
Même dans les autres domaines, pourquoi l’ouvrier de PSA ne soutient pas les intermittents ? C’est parce que lui, quand il se fait virer, les autres ne sont pas là. C’est pour ça peut-être qu’on ne se définit pas en tant qu’artiste mais en tant que travailleur avant tout, ce qui nous permet d’arriver à soutenir tous les travailleurs. C’est là où aussi tu vois le problème des bureaucraties syndicales où les grosses confédérations éparpillent les manifs en fonction du corps de métier. Il faut une seule grosse manif’ avec tout le monde.
En tout cas, notre système pour les artistes est le meilleur au monde. Ça permet aux travailleurs du spectacle d’autres pays de regarder ce qu’on a pour s’en inspirer... Raison de plus pour qu’on le défende, comme pour les retraites, la santé, etc. qui ne sont pas encore complètement détruits.
Propos recueillis par Laszlo Merville
Interview complète sur npa45.org