Publié le Mardi 19 juillet 2016 à 19h21.

Le disparu de Nuit debout - Épisode 1 : Une thèse originale

 

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Qui est le mystérieux manifestant de Nuit debout donné pour mort par ses camarades ?

Lors des échauffourées qui ont suivi la manifestation des policiers place de la République pour dénoncer « la haine anti-flics », des témoins affirment avoir vu un jeune homme succomber aux coups de CRS qui s’acharnaient sur lui. « Il était allongé par terre, ne bougeait plus et ils continuaient à lui taper dessus », déclare Josiane B., employée de La Poste. « Quand ils se sont enfin écartés, il avait disparu, précise Damiens V., un de ses collègues. Je suis certain qu’ils ont fait disparaître son corps pour éviter la médiatisation de leur crime. » Les descriptions de la victime par ces témoins coïncident. « Il avait la peau sombre et le type indien ou bengalais et il était habillé de façon bizarre, très démodée. C’était probablement un sans-papier, personne ne va s’inquiéter de son sort. On l’avait déjà vu la veille, mais on ne connaissait pas son nom. »

Un autre témoignage fait état de l’utilisation par les CRS d’un engin explosif. « On a aperçu une sorte de lueur fulgurante, comme s'ils lui avaient balancé une grenade. » De son côté, la préfecture nie tout incident de ce genre et souligne les contradictions de ces témoignages. « Comment imaginer que nos hommes aient pu lancer une grenade, de quelque type que ce soit, sur un homme qui se serait trouvé à leurs pieds, au risque de se blesser eux-mêmes. Ça ne tient pas debout. »

Le mystère reste donc entier pour le moment.

*** Rapport du capitaine Hervé H en charge de la section B 4 à la DCCRS

Notre section s’engageait dans le boulevard Magenta quand elle a été agressée par un individu porteur d’une arme contondante. Un de nos hommes a alors fait usage de son bâton de défense réglementaire pour se protéger. L’agresseur est tombé. Mais, alors que nous nous apprêtions à l’appréhender, une explosion nous a aveuglés et nous avons du recûler. L’individu a mis cette situation à profit pour s’enfuir. Nous supposons qu’il était porteur d’un engin de type cocktail molotov ou bombe artisanale. Les versions selon lesquelles il aurait été lynché, diffusées sur les réseaux sociaux et par certains médias, sont dénuées de tout fondement.

*** L’étrange expérience de Fhtagn Azathoth

Tout a commencé quand j’ai choisi le thème de ma thèse de doctorat. Je dois vous préciser que j’étudie les sciences politiques intergalactiques à Hydra 8, une des universités les plus cotées de la planète du même nom. Les tentacules de mon maître de thèse, l’honorable Cthulhu, ont décrit un arc de cercle et son œil frontal est passé du vert à l’orange fluo, ce qui chez lui est un signe de perplexité.

– Les Nuits debout, sur la planète Terre ? N’est-ce pas un phénomène tout à fait mineur à l’échelle de la galaxie ? Vous cherchez l’originalité à tout prix, Azathoth ?

Cthulhu est souvent cassant, voire blessant, mais c’est un personnage qu’il convient de ménager.

– Il se trouve que j’ai visionné une émission de Galaxie + sur ce sujet et que…

– Je vois, vous puisez votre inspiration dans la tridi. Bien, mais pourquoi pas ? Quand j’avais votre âge, un de mes condisciples avait fait sa thèse sur Mai 68. J’imagine que vous savez de quoi il s’agit, vous qui vous passionnez pour les phénomènes sociaux de cette obscure planète dont l’immense majorité de nos concitoyens ignorent l’existence ?

Je n’en avais que quelques très vagues notions et, avec Cthulhu, il est préférable de ne pas bluffer. J’avouais donc mon ignorance. L’une de ses tentacules se pointa sur moi.

– Prenez connaissance de cette thèse. Vous pourriez peut-être par exemple établir une comparaison. Mais ce n’est qu’une suggestion.

– Je pensais commencer par étudier le phénomène sur place.

– Vous n’ignorez pas que nos moyens sont limités. Bon, je vous considère comme un excellent élément, Azathoth, je vais donc faire en sorte qu’on vous accorde ce déplacement spatio-temporel. Ne me décevez pas...

Gérard Delteil

 

La suite…